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FROISSART

accueil ! Et avec quelle complaisance orgueilleuse et attendrie à la fois il énumère tous les soins, tous les égards, toutes les prévenances dont il est l’objet ! Dans son enthousiasme de reconnaissance, il va jusqu’à remercier pour ses chevaux, lesquels furent comme lui bien gouvernés de toutes choses.

La familiarité s’établit vite (la familiarité littéraire) entre le comte et son hôte, entre le troubadour et le trouvère. Froissart avait apporté avec lui un recueil de chansons, de ballades, de rondeaux et de virelais, composés par Monseigneur Wenceslas de Luxembourg, duc de Brabant et roi de Bohême, recueil revu, corrigé et sans doute augmenté par notre chroniqueur bel-esprit. Le volume était intitulé Méliadus, et la subtile galanterie du moyen âge s’exhalait de ces pages en fades senteurs. Le comte vit ce livre avec grand plaisir, et toutes les nuits, dit Froissart, je lui en lisais, et il ne voulait que nul parlât, ni osât mot dire ; car il voulait que je fusse bien entendu, et aussi il prenait grand déduit (grand plaisir) à bien entendre, et quand il chéait (il survenait) une chose où il voulût mettre débat ou argument, volontiers il parlait à moi, non pas en son gascon, mais en beau et en bon français.

Dans cette académie improvisée, où le troubadour se montrait si gracieux pour le trouvère, le débat, ou l’argument, comme dit Froissart, roulait moins sur la poésie que sur la galanterie che-