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À LA COUR DE GASTON PHŒBUS.

Ainsi s’expliquent, sans qu’il faille recourir au triste commentaire de l’hypocrisie, tant de personnages contradictoires de l’époque féodale ; ainsi s’explique Gaston Phœbus, et voilà comment dans le même homme vous avez un prince qui fait frémir et un troubadour qui fait rêver !

Telle était cette grande, mais énigmatique figure, lumineuse d’un côté, sombre de l’autre, vers laquelle Froissart se sentait irrésistiblement attiré par le double prestige de la gloire et de l’ombre ; dans une rapide esquisse, je n’ai pu que relever quelques traits principaux de cette tête expressive.

Le brillant imageur du xive siècle va compléter le dessin et y mettre la vie et la couleur ; et il va peindre devant vous.

Parvenus à Orthez au soleil esconsant (au soleil couchant), les deux compagnons de voyage se séparent. Messire Espaing de Lion se rend à son hostel, et de là monte au château pour rendre compte à son maître des besoignes dont il a été chargé ; le chroniqueur descend à l’hôtel de la Lune, bien convaincu sans doute qu’il n’y séjournerait pas longtemps. En effet, le comte, instruit de sa présence, l’envoie quérir par un de ses écuyers. Voilà l’abbé au comble de ses vœux, installé au château, où il sera retenu pendant douze semaines, au milieu des fêtes et des cajoleries du grand monde féodal.

Comme il est heureux, comme il est fier, comme il s’applaudit de ce séjour et de cet