Page:Soutras - Froissart a la cour de Gaston Phoebus, 1868.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
FROISSART

car, en 1346, nous le voyons guerroyer contre les Anglais. Peu de temps après, il part avec une nombreuse et brillante chevauchée, s’enfonce dans cette Allemagne du Nord, toujours ébranlée du choc et du pêle-mêle de tant de races diverses, et va combattre les infidèles au fond de la Prusse. Vous ne vous doutiez pas qu’au xive siècle il y eût encore des idolâtres en Europe. C’étaient sans doute quelques fractions de tribus Slaves que n’avaient pu soumettre au christianisme les lances des chevaliers teutoniques, ces convertisseurs à la façon de Charlemagne.

Quels motifs avaient pu entraîner Gaston Phœbus si loin de ses États, au plus fort et au plus noir des guerres anglaises ? Le zèle religieux ? Gaston Phœbus ne me fait pas l’effet d’un dévot. L’amour des aventures ? Il y en avait de bien belles et de bien nobles à courir dans cette France du Midi restée gauloise et romaine, et qui depuis Bertrand de Born, le violent et patriotique troubadour, rêvait l’indépendance, l’autonomie, comme on dirait de nos jours.

Pour mon compte, j’incline à croire que le comte, de Foix, plus politique que chevalier, voulut éviter d’être le tenant de la France ou le tenant de l’Angleterre dans ce grand duel qui s’était ouvert par Crécy, et qui venait de se clore momentanément par Poitiers.

Quoi qu’il en soit, Gaston Phœbus revient fort à propos de sa croisade d’Outre-Rhin, fort à propos pour la chevalerie française et pour sa propre