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THALÈS DE MILET

RAPPORTS DE LA PENSÉE ET DE L’ATMOSPHÈRE

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résultent avec nécessité de la crâse de ses parties, comme s’exprimera le vieux PARMÉNIDE lui-même. Ce qui ne fait aucun doute, c’est qu’ÉPicHARME a fixé dans ce vers (v. 207) la pensée mère de l’hylozoïsme ionien : AN" Coox rep En, ravta val puma Éyet.

« Tout ce qui vit possède aussi de l’intelligence. » Or celle-ci ne peut venir que du dehors dans les organismes vivants (x). Le feu de l’âme doit, pour se conserver, se nourrir du feu extérieur. L’âme des êtres animés est faite de feu, de vapeurs chaudes et sèches, matière des plus subtiles et la plus rapprochée de l’incorporéité, mais nullement incorporelle ni immatérielle, mot absolument dénué de sens pour un Hellène de ces hautes époques. L’avañupiaos ou « évaporation » du texte d’ARISTOTE que nous avons cité est identique à ce qui est ailleurs appelé rüp où « feu ». « L’âme la plus sèche est la plus sage et la meilleure » disait HÉRAGLITE (2) ; elle étincelle « à travers le corps comme l’éclair à travers le nuage. » HÉRACLITE admettait ainsi que la raison, l’intelligence, identique au feu éternel, nous vient de l’atmosphère, de cette ambiance qui nous environne, dénommée zeptéyov. Elle entre dans l’homme par la respiralion (ävarvoi) et par les canaux des sens (πόροι) (ὅ). Si l’âme est souillée par l’humidité, la raison disparait. C’est ainsi qu’HéracziTE explique le phénomène de l’ivresse : « Quand l’homme est ivre, dit-il, qu’un jeune garçon le conduit, titubant, ne sachant où il va, ayant une âme humide » (0yov tv ψυχἠν éguv. Fragm. 70). Quand la nuit vient, que la respiration se ralentit et que les canaux des sens se ferment dans le sommeil, l’homme, et toute créature vivante, séparés du principe « commun » (Evvév, comme xewér) qui l’environnait durant le jour, réduit à lui-même, c’est-à-dire aux imaginations subjectives du rève (4), tombe dans l’« oubli » et perd la « raison ». Celle-ci est en effet isolée de l’atmosphère sec et chaud où elle se renouvelle sans cesse. D’ailleurs la respiration s’est ralentie, et la (1) C’est cette doctrine qu’Exnius exprimait sans doute à sa manière, lorsqu’en parlant des œufs et des oiseaux, il disait :

Ova parire solet genu’ pinnis condecoratum,

non animam : post inde venit divinitu’ pullis

ipsa anima.

Q. Enni Carminum reliquiae (Luc. MuëLrer). Annales, 122-4. Petropoli, 1884, p. 17. Cf. Ericuarmr Fragm. v, 208 sq. Lucrer, I, 112 sq.

(4) Αὔη φυχἠ σοφωτάτη rai ap{otn. Fragm. 72, 54. (8) Sexrus Eur. adv. Math., VII, 127. dt” dvanvoïc ondoavtes vospoi Yivduelæ, zai èv uëv Snvors ληθαῖοι, κατὰ δὲ ἔγερσιν πάλιν ἔμφρονες.

(4) « Απιστοτε ἀῑί quelque part : Quand nous veillons, nous avons un monde commun, mais quand nous rèvons, chacun a le sien propre. » Imm. Kanr, Traüme eines Geistersehers, erläutert durch Träume der Metaphysik. Säëmmtl. Werke, 11, 349. Antikabbala.