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LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

« conduits » (πόροι) optiques et, sinon découvert le canal qu’on devait désigner du nom de trompe d’Eustache, du moins entrevu les rapports de l’oreille moyenne avec le pharynx. On citait son opinion, frappée au coin d’un scepticisme vraiment scientifique, sur la formation du fœtus dans l’utérus[1]. Alcméon croyait, ainsi qu’Hippon, que la « tête » se forme la première dans l’embryon[2], sans doute parce que, dans la tête, est le cerveau, principe du sentiment et du mouvement, et, comme le dit expressément Alcméon, siège de la raison : Ἀλκμαίων ἐν τῷ ἐγκεφάλῳ εἶναι τὸ ἡγεμονικόν (Frag. 4). C’est au cerveau qu’arrivent toutes les sensations. Par exemple, l’olfaction se produit parce que le cerveau attire les odeurs au moyen d’aspirations répétées : τούτῳ (ἐγκεφάλῳ) οὖν ὀσφραίνεσθαι ἕλκοντι διὰ τῶν ἀναπνοῶν τὰς ὀσμάς[3]. Alcméon est probablement l’auteur d’une des plus anciennes physiologies des sensations. On connaissait d’Alcméon une théorie de l’audition, du goût, de l’odorat[4]. Les sensations se transmettent au cerveau par l’intermédiaire des « canaux » qui partent des organes des sens[5] : il semble donc avoir aperçu l’étroite liaison des sensations avec l’organe des perceptions, le cerveau.

La condition anatomique de ces rapports, les nerfs, devaient rester, pendant plusieurs siècles encore, profondément ignorés. Hérophile et Érasistrate, aussi bien que Galien, Rufus d’Éphèse, Celse, Arétée, nomment habituellement les nerfs de la sensibilité πόροι ; ils les ont confondus avec les tendons et les ligaments (νεῦρα). Némésius le premier établit plus nettement la distinction entre tendons et nerfs. Mais, pendant toute la haute antiquité hellénique, les nerfs conservèrent le nom qu’ils ont chez Alcméon, c’est-à-dire celui de canaux ou conduits (πόροι).

Les anciens Égyptiens n’ont point plus distingué que les Hellènes les tendons des nerfs, les veines des artères. Il paraît toutefois fort étonnant

  1. Pseudo-Plutarque, Placita, V, 14, 1 : 16, 8. Censorinus, c. 5 et 6. Il n’en est pas de même d’une opinion qui lui est attribuée, d’après laquelle l’enfant, durant son séjour dans l’utérus, mangerait par la bouche. V. Oribase, Œuvres (Bussemaker et Daremberg), III, 156. Livres incertains. Partie inédite.
  2. Pseudo-Plutarque. Plac., V, 17, 3., Ἀλκμαίων τὴν κεφαλὴν ἐν ᾗ ἐστι τὸ ἡγεμονικόν. Selon Alcméon, la semence vient du cerveau ; elle en est une partie (ἐγκεφάλου μέρος). Ibid, V, 3, 3.
  3. Cf. Théopraste, de sensu, 25-26. L’olfaction se produit par les narines en même temps que, par la respiration, le souffle est porté au cerveau :τὸ πνεῦμα πρὸς τὸv ἐνγκέφαλον.
  4. Fragm. 3, 4, 5. L’eau et le feu sont les conditions de la vision ; ce qui prouve que les yeux contiennent du feu (πῦρ), c’est que par l’effet d’un choc ou d’un coup on y perçoit des étincelles, disait Alcméon.
  5. Théophr., De sensu et sensib., 26. « Tous les sens sont en quelque façon en rapport avec le cerveau » : ἀπάσας δἑ τὰς αἰσθήσεις συνηρτῆσθαι πως πρὸς τὸν ἐγκέφαλον.