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OÙ COMMENCE, OÙ FINIT L’INTELLIGENCE ?

Le grand problème de la vie, et partant de la sensibilité et de l’intelligence, n’est même pas là. Les substances albuminoïdes qui constituent fondamentalement le protoplasma animal étant réductibles à quelques corps qui se trouvent dans l’air, l’eau et la terre, c’est-à-dire dans les milieux où la vie s’alimente comme une flamme, et dans lesquels elle doit s’être allumée, — comment ces éléments, et les éléments de ces éléments, les particules ultimes de la matière qui réagissent d’une manière si sensible à l’attraction, à l’affinité et aux forces connues de la nature, comment ces « êtres », les seuls qui existent probablement par soi et pour soi de toute éternité, ne participeraient-ils dans aucune mesure à ces propriélés que manifestent les êtres animés ? Si une combinaison d’éléments chimiques fait apparaitre des propriélés qui étaient inconnues dans ces éléments considérés isolément, on ne peut pourtant pas croire qu’il y ait eu création véritable, à aucun degré.

Voilà les racines d’une Psychologie qui, pour avoir été déjà pressentie en cristallographie, n’en demeure pas moins toujours fort obscure. Qu’on prenne garde qu’elle n’est, à l’instar de la psychologie des mammifères eux-mêmes, qu’une notation des réactions des êtres au milieu, dans des conditions dont le déterminisme scientifique constitue l’unique fondement de la connaissance qu’il nous est possible d’en acquérir. Là, pas plus qu’ici, rien, sinon un raisonnement analogique, ne nous incline à croire qu’à des changements externes correspondent où peuvent correspondre des états internes de nature psychique, el que les actions sont des réactions, c’est-à-dire la suite nécessaire de sensations où de perceptions. Toute discussion relative à la nature de ces sensalions, voire au degré de conscience dont elles pourraient être accompagnées, nous semble actuellement sans utilité. La conscience, même pour les processus les plus élevés du cerveau de l’homme, ne change certainement rien au mécanisme et à la production des phénomènes mentaux. Ajoutez qu’il faut toujours admettre la possibilité d’existence d’une sensation consciente pour soi, par exemple celle d’une cellule ou d’un groupe de cellules d’un ganglion spinal, qui ne l’est pas ou ne peut l’être qu’indirectement pour nous, c’est-à-dire pour l’écorce cérébrale.

On n’entrevoit donc pas de limites à ces processus élémentaires, dont la vie psychique des organismes les plus différents n’est qu’une somme essentiellement variable et mobile, qui se compose et se décompose à chaque instant, durant toute la durée des organismes. Seul, l’aspect qualitalif de ces processus est apercu directement par la conscience, quand elle existe, et c’est par une pure induction logique, par une hypothèse de la raison, que les qualités sont considérées comme variant avec les conditions quantitatives, à jamais inconnaissables en soi, du milieu interne et