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LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL



LE CŒUR

Sang, Poumon, Foie, Rate.


Ce qu’on nomme la physiologie du cerveau est donc proprement, chez Aristote, la physiologie du cœur, du sang et des poumons, car le degré de chaleur et en général la nature du sang domine toute la vie de relation des animaux et distingue foncièrement cette activité biologique dans ceux qui ont du sang et dans ceux qui n’en ont pas.

Les êtres les plus élevés en organisation, les plus autonomes, ont aussi les plus grandes dimensions : or, cela n’est pas possible sans chaleur vitale (ἄνευ θερμότητος ψυχικῆς), car ce qui est plus grand exige de nécessité une plus grande force pour se mouvoir, et c’est la chaleur qui détermine le mouvement, τὸ δὲ θερμὸν κινητικόν. Les plus parfaits sont ceux qui, de nature, ont le plus de chaleur et le plus d’humidité et qui ne sont pas terreux : τελεώτερα δὲ τὰ θερμότερα τὴν φύσιν καὶ ὑγρότερα καὶ μὴ γεώδη. Or, c’est le poumon qui, chez les animaux qui ont du sang, est l’appareil régulateur de la chaleur naturelle (τῆς δὲ θερμότητος τῆς φυσικῆς ὃρος ὁ πλεύμων). En général, les animaux qui ont un poumon sont plus chauds (θερμότερα) que ceux qui n’en ont pas[1]. Ainsi les animaux les plus chauds sont les plus parfaits, Aristote le répète : τὰ μὲν γὰρ τελεώτερα καὶ θερμότερα τῶν ζῴων. Et, dans le traité de la Respiration (ch. x) : « Les animaux les plus parfaits ont naturellement plus de chaleur que les autres ; et, par une conséquence nécessaire, ils doivent être doués en même temps d’une âme plus parfaite (ἃμα γὰρ ἀνάγχη καὶ ψυχῆς τετυχηχέναι τιμιωτέρας). » Ces êtres sont en effet plus parfaits que les végétaux. Voilà pourquoi les animaux qui ont le plus de sang dans le poumon et le plus de chaleur ont aussi des dimensions plus grandes, et celui qui possède le sang le plus pur et le plus abondant de tous les animaux, l’homme, a aussi l’attitude la plus droite (ὀρθότατον τὴν ἐστιν). C’est pourquoi, aussi bien que tout autre organe, le poumon doit être considéré, pour l’homme comme pour les autres animaux, comme une cause de ce qui le constitue essentiellement. Voilà pourquoi ces êtres ont un poumon. Il faut penser que la cause qui vient de la nécessité et du mouvement (c’est-à-dire la cause matérielle) a constitué ces animaux de cette façon, ainsi que beaucoup d’autres qui ne leur ressemblent pas. Car dans la constitution des uns il entre plus de terre, comme dans les plantes ; dans les autres plus d’eau, comme dans les aquatiques. Quant aux oiseaux et aux animaux terrestres, c’est l’air qui prédomine chez les uns, le feu chez les autres. Chacun d’eux a sa place assignée dans les lieux qui lui sont propres [2].

Comme le principe de la sensibilité et de la vie de l’animal entier réside dans le cœur,

  1. Aristote. De gener. anim., II, I.
  2. Ibid. τὰ μὲν γὰρ ἐκ γῆς πλείονος γέγονεν, οἷον τὸ τῶν φυτῶν γένος, τὰ δ̓ ἐξ ὕδατος, οἷον τὸ τῶν ἐνύδρων τῶν δὲ πτηνῶν καὶ πεζῶν τὰ μὲν ἐξ ἀέρος τὰ δ̓ ἐκ πυρός ἕκαστα δ̓ ἐν τοῖς οἰκείοις τόποις ἔχει τὴν τάξιν αὐτῶν.