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XLIV
HISTOIRE DU PARNASSE

à côté du Maître qui a quarante-huit ans, on voit toute une troupe où les plus âgés ont vingt-huit ans ; le plus jeune en a dix-sept : le 25 mars 1865, Heredia raconte à G. Lafenestre ce que font les amis de Leconte de Lisle : « Ah ! j’oubliais un petit Avignonnais, élève de Roumanille ou de Mistral, envoyé par des Essarts, dont on ne sait pas le nom, qui trouve tout très gentil, et l’est lui-même[1] ». On apprend son nom dans les triolets de Gabriel Marc sur l’Entresol du Parnasse :


Jean Aicard, le cadet de la famille[2].


Il y a comme une poussée de jeunes vers la nouvelle école, surtout après la publication de ses recueils, et cet afflux continue à entretenir l’allégresse du groupe. Le 24 mai 1870, à quinze ans et demi, Arthur Rimbaud, collégien à Charleville, écrit à Théodore de Banville qu’il voudrait bien figurer au Parnasse : « voici que je me suis mis à dire mes bonnes croyances, mes espérances… Moi, j’appelle cela du printemps… Que si je vous envoie quelques-uns de ces vers, c’est que j’aime tous les poètes, tous les bons Parnassiens, puisque le poète est un Parnassien[3] ».

Ce sont des jeunes, donc intolérants, hyper-critiques, gais, se plaisantant les uns les autres, aimant les jeux de mots sur les noms propres : remarquant que deux des leurs, Mérat et Valade sont inséparables, on les salue à leur entrée : voilà Verrat et Malade[4] ! Quelquefois ils imaginent des sobriquets assez méchants : la jeunesse est impitoyable. Mais ils ont aussi les qualités de ce précieux défaut : Coppée, arrivé à l’âge mélancolique des souvenirs, aime à se reporter au temps où il était jeune soldat du Parnasse : « ce nom de Parnassien, dit-il, je ne puis l’écrire sans émotion, car il évoque en moi tous les souvenirs de jeunesse ; il me rappelle les premières mains qui me furent fraternellement tendues, les premières voix amies qui me dirent : « Patience et courage » et qui me saluèrent, moi, pauvre et obscur jeune homme qui doutais de ma vocation et de mes facultés, de ce noble titre de poète que je suis si fier et si heureux de porter[5] ».

  1. Ibrovac, J.-M. de Heredia, p. 125.
  2. Id., ibid., p. 92-93.
  3. Nouvelles littéraires du 10 octobre 1925.
  4. Ibrovac, p. 93.
  5. Souvenirs d’un Parisien, p. 150.