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XXXI
INTRODUCTION

correction Rostand aurait eu un sourire crispé. Disons-le en son nom : comme la Mélissinde de La Princesse lointaine, la poésie française pourrait répondre à tout étranger qui la critique :


Nul homme à qui je sois plus illisible au monde…
Eh bien, je trouverai, comme ont fait d’autres dames,
Des plaisirs d’ironie à nos distances d’âmes !


L’ironie malheureusement ne suffit pas à neutraliser l’erreur. M. Rivaroli a cru, et a fait croire, que Leconte de Lisle précédait le Parnasse et n’en faisait pas partie ; que Hugo était presque Parnassien ; que le Parnasse continuait le romantisme et même renchérissait sur son esthétique[1].

II

J’ai montré, dans le dernier chapitre de L’Histoire du Romantisme que le Parnasse avait été une réaction, plutôt violente, contre l’École de 1830 ; que les parnassiens avaient déclaré la guene aux romantiques, vraie guerre civile, et partant guerre cruelle. Je reprends ici la même idée avec de nouveaux textes qui lui donneront, je pense, le caractère de la vérité démontrée. Ils sont du reste, très peu nombreux, ceux qui croient à une entente cordiale entre Parnasse et Romantisme. Regardant les choses d’un peu loin, ce qui n’est pas toujours la meilleure méthode pour bien voir, Needham suppose que Leconte de Lisle, en s’installant dans le fauteuil de Victor Hugo, est devenu du coup partisan de l’art social, et hostile à l’art pour l’art[2]. Dévot à Hugo, et luLcherchant partout des fidèles, Gustave Simon veut nous faire croire que Leconte de Lisle a été un de ses plus ardents « servants » ; il nous cite un poème grandiloquent et faible, dédié à Hugo, mais il ne nous en donne pas la date. C’est certainement une œuvre de jeunesse, qui n’engage pas le poète dans la plénitude de son talent[3]. M. Boschot nous présente l’exilé de Guernesey comme le dieu « lointain, omnipotent, inaccessible », des Parnassiens[4]. M. Canat, tout en constatant que le Parnasse a renié le Romantisme, cherche à les ratta-

  1. La poétique parnassienne, p. 114, 143 ; cf. Jacques Madeleine, Revue, 1918, p. 482.
  2. Needham, Le Développement de l’Esthétique sociologique, p. 101.
  3. Revue de France, Ier mars 1925, p. 57.
  4. Chez nos Poètes, p. 75.