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HISTOIRE DU PARNASSE

admire fort la beauté du vers parnassien. Mais son admiration ne vise pas toujours juste. Il partage l’adoration de M. Maurras pour le rythme boiteux que L. de Lisle condamnait sévèrement et justement chez son vieil ami Ménard :


Aujourd’hui j’ai revu cette douce vallée,
Mais je l’aimais mieux dans mon souvenir…


En revanche, après avoir cité des alexandrins de J.-M. de Heredia, comme celui-ci :


Une Ville d’argent qu’ombrage un palmier d’or,


M. Desonais estime que « des vers pareils, chacun saurait en faire ». Il s’empresse d’ajouter : « Qu’on ne crie pas à l’outrecuidance ». Malheureusement le mal est déjà fait… Ce livre, est-il dit dans l’avant-propos, doit faire partie de la Bibliothèque de la Revue de littérature comparée. Il serait bon alors d’augmenter un peu d’Errata à la fin du volume. Page 64, M. Desonais attribue à Jean Aicard une pièce de Théophile Gautier, parue dans le Parnasse de 1869, p. 262 :


J’aimais autrefois la forme païenne…


C’est déjà surprenant ; mais il y a pis : M. Desonais veut décidément enrichir Aicard des dépouilles de Théo ; il attribue à l’auteur de Miette et Nore « la Mnémosyne à son socle accoudée », c’est-à-dire le chef-d’œuvre de Gautier, publié au même Parnasse, p. 261 !

Ce qui ajoute au danger de ce livre, c’est que l’auteur, malgré tout, a du talent. On en pourrait dire autant de La Poétique parnassienne, d’après Théodore de Banville, par M. Rivaroli. Cette thèse présente le défaut de vouloir comprendre la chose la plus difficile à transposer d’un pays à un autre, la poésie. Le vers français est rarement goûté pleinement au dehors. C’est ainsi que M. Rivaroli ne craint pas de corriger un alexandrin de Cyrano : « le vers.de Rostand, <poem style="margin-left:8em; font-size:90%">

Et j’ajoutai : marché, Gascon, fais ce que dois,


est mal fait. Il faudrait : <poem style="margin-left:7em; font-size:90%">

Et j’ajoutai | : Gascon |, mar || che, fais ce que dois,


qui mettrait en relief le mot important : marche[1] ». En lisant cette

  1. La poétique parnassienne, p. 114, note.