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padî s’approche en souriant du vainqueur ; elle pose sur son front une guirlande, et, dès qu’il se retire, elle le suit. Les autres rois sont furieux et se concertent ; ces kschattryas se croient battus par un obscur disciple des prêtres : ils ne parlent de rien moins que de se venger de leur affront, en tuant leur hôte, le monarque des Pântchâliens, en égorgeant son fils, en jetant même sa fille dans les flammes ; la férocité en eux s’allie aisément à l’amour. Un combat s’engage, qui fait songer à celui des Centaures et des Lapithes dans Ovide. Les Courâvas, entre autres, et les Pândavas y sont aux prises ensemble : ceux-ci, soutenus par Krishna et par Râma et applaudis par les Brâhmanes, demeurent supérieurs à leurs cousins surtout, qui ne les reconnaissent pas. Karna lui-même lâche pied devant Ardjouna ; Bhîmaséna renverse Salya, et le poète remarque, comme une chose rare, qu’il lui fait grâce : les princes coalisés confessent leur défaite et rentrent tristement dans leurs états.

Pendant ce temps-là, Kountî, la mère des héros, troublée par leur longue absence et redoutant pour eux les conséquences d’un combat, les attendait, sombre et muette ; quelle est sa joie, en les revoyant sans blessures et pleins de gloire ! Et quelle étrangeté dans la scène qui va suivre ! C’était l’heure où, chaque soir, ses fils, ces faux mendiants, lui rapportaient le produit de leur quête de la journée. Les voici qui entrent et qui en badinant disent : « Recevez notre aumône d’aujourd’hui. » Kountî, sans retourner la tête, leur cria : « Tous réunis, partagez-vous-la. » Or, cette aumône précieuse, c’était la charmante Draupadî qu’ils conduisaient par la main ; et comme pour de tels gens nulle parole n’était vaine, les cinq frères voient dans celle-ci une sorte d’augure et d’oracle ; ils s’inclinent, et tous ils seront, à titre égal, les époux de cette noire beauté. Quelques critiques modernes ont prétendu que ce mariage en communauté n’avait rien de choquant, en ce que les Pândavas sont autant de répétitions du même type héroïque ; il n’y a aucun besoin d’une semblable hypothèse