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route : arrivés à Vâranâvata, ils y sont traités à merveille par la population et reçoivent l’hospitalité dans l’édifice, bâti par le perfide Pourotchana. Ils s’y établissent avec leur suite, bien logés, bien meublés, bien nourris, bien servis ; mais ils ont vite reconnu les matériaux dont cette demeure est composée et le piège qui les menace. Décidés à dissimuler prudemment, ils emploient un habile mineur, que le sage Vidoura, leur fidèle protecteur, leur envoie en secret, pour creuser un conduit souterrain, communiquant avec le dehors, et une cave profonde, où ils se retirent chaque nuit, tandis que chaque jour ils parcourent les forêts voisines et chassent, affectant la sécurité et la gaîté les plus grandes. Un an s’écoule ainsi ; ils abusent complètement Pourotchana, qui se rend chez eux à un brillant festin en compagnie d’une foule de ses partisans : à la faveur de l’orgie, les fils de Pândou embrasent la maison de laque et s’esquivent furtivement avec leur mère par le souterrain. Pareil à Énée fuyant l’incendie de Troie, mais autrement robuste et dévoué, Bhîmaséna prend Kountî sur ses épaules, deux de ses frères autour de ses reins, les deux autres dans ses deux mains, et renversant les arbres au choc de sa poitrine, entr’ouvrant la terre sous ses pieds, il s’éloigne, plus rapide que les vents ; puis, montant sur une barque qu’un émissaire de Vidoura leur a préparée, ils traversent le Gange ; ils sont sauvés !

Cependant tout le monde croit que les Pândavas et Kountî ont péri dans les flammes, en même temps que leur gardien Pourotchana ; on accuse hautement Douryôdhana, son père Dhritarâchtra, et son aïeul Bhîchma, qui ont commandé, permis ou exécuté une telle trahison. La douleur n’est pas moins vive à Hastinapoura qu’à Vâranâvata ; le vieux Dhritarâchtra est le premier à pleurer et à se repentir ; il ordonne pour ses neveux des simulacres de funérailles, des sacrifices expiatoires : seul, Vidoura se tait et reste calme, parce qu’il sait tout. Quant à nos fugitifs, ils côtoient le Gange, et, craignant d’être poursuivis, ils s’enfoncent au milieu des plus sombres