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le souverain aveugle Dhritarâchtra, sa fidèle Gândhârî, ses autres femmes, ses ministres et ses courtisans occupent les sièges d’honneur ; le précepteur Drona, vénérable par la blancheur de sa barbe, de sa chevelure et de ses vêtements, préside au sacrifice, sans lequel il n’y avait pas de fête possible ; à un bruit immense succède un silence religieux, et le signal est donné. Les Pândavas se présentent par rang d’âge, un arc à la main, deux carquois au dos : les acclamations populaires signalent leur arrivée, et leur mère Kountî reste muette en versant des larmes de bonheur. Leurs rivaux les suivent, et le roi et sa femme, qui ne peuvent jouir par eux-mêmes du spectacle, puisqu’il est frappé de cécité et qu’elle a toujours ses yeux cachés par un bandeau, se font expliquer par Vidoura les moindres détails du tournoi. Les héros se livrent à la course des chars, luttent au cimeterre et à l’épée, lancent des flèches dans la gueule d’un sanglier d’airain mobile ou dans une corne de bœuf, suspendue et balancée en l’air par une corde. Un duel a lieu entre Douryôdhana et Bhîmaséna et menace de devenir mortel, lorsque Drona inquiet fait séparer les combattants par son fils. Mais la lutte va recommencer avec des incidents assez curieux.

Un autre héros paraît en scène: c’est ce Karna que Kountî, mère des trois Pândavas, avait eu du Soleil, avant son mariage avec Pândou : il est valeureux et superbe ; il défie Ardjouna, imite toutes ses prouesses et s’apprête à se mesurer avec lui. Celui-ci le repousse dédaigneusement; on exige, ainsi que dans nos passes d’armes du temps de la chevalerie, qu’il fasse connaître son rang et sa naissance, ses parents et ses aïeux : l’autre rougit et penche la tête, car il est un enfant du mystère. Mais Douryôdhana, qui voit en lui un allié redoutable, dit aussitôt fièrement : « D’après les livres de la loi, il y a pour les guerriers une triple origine : une bonne famille, de grands exploits et le commandement d’une armée. Si Ardjouna refuse d’en venir aux mains avec un adversaire qui n’est pas de race royale, soit, je vais faire proclamer