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mot Bhârata avec le mot Bhâra (un poids d’or). Mais, quant à la valeur inestimable de l’œuvre, il n’y avait qu’une voix à cet égard ; voici ce que le prétendu Vyâsa ou un de ses continuateurs disait lui-même çà et là dans l’exorde :

La lecture du Bhârata est sainte ; tous les péchés de celui qui en lit seulement une partie sont effacés sans exception… Un vrai croyant, qui entendra réciter tout au long, depuis le début, cette section (la table des matières), ne tombera point dans l’infortune… Celui qui, entre les deux crépuscules, débite une partie de cette introduction, que ce soit le jour ou la nuit, est purifié de toute faute ; car le corps du Mahâbhârata est la vérité et l’immortalité… Celui qui en lirait cette partie aux Brâhmanes pendant une cérémonie funèbre procurerait aux mânes de ses ancêtres des offrandes inépuisables… Celui qui, rempli de foi, écouterait continuellement ce saint livre, obtiendrait une longue vie, la renommée et le chemin du ciel.

Jamais les Juifs n’ont eu pour la Bible, les chrétiens pour l’Évangile, les musulmans pour le Coran, les païens pour les doctrines de Pythagore ou de Socrate, de Platon ou d’Aristote, une vénération et une docilité plus grandes. Comment s’en étonner, puisque cette épopée était tombée du firmament et avait été octroyée aux hommes par les dieux comme un présent surnaturel ? Sur ce point, nulle incertitude : ce poëme était un don de la charité divine, et c’était faire non seulement un acte de goût, mais un acte de foi et une œuvre pie, que de le lire.

Le Mahâbhârata ressemble un peu par les légendes aux Métamorphoses d’Ovide, par les aventures romanesques à l’Odyssée, par les récits de batailles à l’Iliade, et par le sujet à la Thébaïde de Stace, vue sur une plus grande échelle. Effectivement, il s’y agit de même d’une lutte, sinon entre des frères ennemis, du moins entre les Pândavas et les Courâvas qui étaient cousins-germains, entre les deux branches rivales de la dynastie lunaire des Bhâratides, établie dans cette ville d’Hastinapoura dont les ruines se voient encore