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également à ce formalisme stérile, où l’esprit indien devait s’enfermer pour des siècles. Nous n’avons pas à insister sur cette décadence; désormais l’ère védique était close.

Au terme de cette étude, nous rencontrons une dernière question qui résume toutes les autres. Quelle est, sans rien exagérer, la religion, exprimée dans les Védas ? Une religion tout élémentaire et toute naturaliste, où les forces de la création, les puissances physiques étaient à chaque instant déifiées. Bien qu’elle ait enfanté le Brâhmanisme et aussi par suite le Bouddhisme, elle contenait à peine le germe de ces deux doctrines opposées. On n’y recueille, comme on a pu le voir, que des traces rares et douteuses de la triade divine, de la vie future, de la transmigration des âmes, de l’extase, de la division des castes, du pouvoir prépondérant des Brahmes et de leur influence absolue sur les rois. On n’y trouve pas non plus cet anthropomorphisme raffiné et complexe, qui se manifeste dans les épopées classiques et dans les fabuleux Pourânas de l’Inde. Les Védas ne proposent guère à notre adoration que le ciel et la terre, l’aurore et le soleil, l’eau et le feu, la mer et les rivières, les vents et les orages, représentés sous des traits vagues et variés à l’excès. Nous venons de voir que cette religion est fort souvent matérielle, par les objets qu’elle divinise, par le culte qu’elle leur consacre, par les vœux qu’elle leur adresse. Des gâteaux bénits, une liqueur sacrée, des offrandes de lait, de beurre et de miel : voilà ce que les fidèles promettent à leurs dieux. Beaucoup d’enfants, beaucoup de fruits et de troupeaux, beaucoup de trésors : voilà ce qu’ils espèrent d’eux en retour. La pratique de la vertu, les jouissances du devoir, les élans du dévoûment, la loi de la conscience, n’apparaissent que de loin en loin dans ces hymnes innombrables. La morale s’y révèle sans doute, mais par des lueurs fugitives : la dévotion y règne, mais c’est une dévotion étroite et superstitieuse, avide de cérémonies, qui n’entrevoit les radieuses splendeurs du firmament et la grande image de Dieu qu’à travers les fumées du sacrifice.