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qui n’est que cendre ; mais, ô Brâhma, souviens-toi de mes intentions, de mes efforts, de mes actes. Conduis-nous par des voies sûres à l’éternelle béatitude. Toi qui connais tous les êtres, purifie-nous de toutes nos fautes, et nous te consacrerons nos plus ardentes prières. Mes lèvres, dans cette coupe d’or, ne cherchent que la vérité. Ô Brâhma, astre inextinguible, je t’adore sous la forme du brillant soleil ; entends mes vœux !

On a remarqué la similitude qui existe entre cette invocation, d’ailleurs si sobre et si simple, et le Bhâgavad-Gîta, cet épisode long et diffus du Mahâbhârata, où le divin Khrisna, apparaissant au héros Ardjouna, un des cinq fils de Pandou, lui révèle les secrets de la vie et de l’immortalité. L’hymne du Yadjour nous transporte à la hauteur des belles hypothèses d’un Pythagore ou des méditations sublimes d’un Platon : Moïse et les prophètes hébreux, les théologiens et les poètes chrétiens, ont pu seuls aller plus loin et monter plus haut. Par malheur, cette conception de l’unité divine, si claire et si persistante dans la foi mosaïque, et surtout dans le Christianisme, s’est pervertie chez les Hindous ; elle a fini par aboutir à un panthéisme insensé et à des superstitions grossières.

La seconde partie de l’Yadjour blanc n’est presque toujours qu’une amplification de la première ; mais au milieu de redites fatigantes, on remarque de curieuses traditions : nous allons en reproduire une sur le déluge universel et sur le repeuplement du monde, tels que les Indiens se les figuraient. Le souvenir d’un immense cataclysme, engloutissant la presque totalité de l’espèce humaine, se retrouve chez beaucoup de peuples : il n’est donc pas étonnant de le rencontrer dans les Védas ; mais la tradition offre ici cette particularité que le déluge y est considéré non point comme un châtiment et une expiation, mais uniquement comme l’effet de causes naturelles. Le personnage miraculeux qui y joue, en même temps, le rôle du Noé de la Bible et celui du Deucalion des Grecs, c’est Manou, dont le nom rappelle tant