Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cures encore, les Pourânas, ces monuments longs et confus de la mythologie la plus étrange et la plus compliquée, nous ont transmis d’une façon aussi singulière que puérile l’origine de ces deux qualifications de blanc et de noir. Primitivement, le Yadjour était unique, et c’est ainsi que le docte Veisampâyana l’enseigna à une trentaine d’élèves, dont le plus distingué était ce Yâdjnyavalkya qui, après Manou, fut le principal auteur de la jurisprudence hindoue. Un jour le maître, irrité contre son disciple favori, qui n’avait pas eu la charité de l’aider dans l’expiation d’un meurtre involontaire, le somma de lui restituer l’instruction qu’il lui avait communiquée : la restitution s’effectua matériellement, et Yâdjnyavalkya fut obligé de rendre par la bouche tout ce qu’il avait appris de lui. Alors Veisampâyana ordonna à ses autres élèves de ramasser à terre et de recueillir ces restes de science, ce qu’ils firent, après avoir eu la précaution de se transformer d’abord en perdrix : ces textes, un peu souillés et avalés de nouveau par eux, furent désormais appelés noirs ou taittiriya, du mot tittiri (perdrix). Pour le malheureux Yâdjnyavalkya, dans son désespoir d’avoir laissé échapper tant de connaissances surhumaines, il sollicita et reçut du ciel une autre révélation, dite blanche ou pure.

L’Yadjour blanc n’est cependant pas aussi absurde que le ferait supposer cette étrange origine ; on y trouve des passages dignes du Rig-Véda, celui-ci entre autres sur le dieu suprême, cause première du monde :

Il est un maître souverain, un maître de tous les mondes… Cet être unique et inébranlable est plus rapide que la pensée, et les dieux eux-mêmes sont impuissants à concevoir ce suprême auteur qui les a tous devancés. Quoique immobile, il dépasse de beaucoup tous les êtres : il est plus léger que les vents ; il met en mouvement, à son gré, le reste de l’univers entier et déborde bien au delà… Ils sont tombés dans une nuit bien profonde, ceux qui ignorent les devoirs religieux ; ils sont plongés dans une nuit plus profonde encore, ceux qui se contentent de connaître ces devoirs sans les pratiquer… Que le souffle du vent emporte mon corps