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physique souvent hardie. D’abord, pour la morale, comment en méconnaître l’instinct et pour ainsi dire l’effusion naïve dans cet hymne de Wishnou, fils d’Angiras ?

Les dieux ne nous ont point condamnés fatalement à la faim ni à la mort, puisque nous avons une ressource dans la maison du riche : l’opulence de l’homme bienfaisant ne périra point ; le méchant ne trouve pas d’ami. Quand le riche a l’âme dure pour le pauvre qui demande du pain, pour l’indigent qui l’aborde, quand il garde tout pour lui, il ne mérite pas l’amitié. Mais l’homme bienfaisant, secourable envers le malheureux affamé qui entre dans sa maison, rencontre des amis et est honoré dans les sacrifices. Ce n’est pas un ami que celui qui refuse à manger à son ami. Fuyez cette maison étrangère, cherchez un maître plus obligeant. Riches, soulagez celui qui a besoin et qui trouve la route trop longue. La fortune est mobile comme les roues d’un char ; elle visite aujourd’hui celui-ci, demain celui-là. En vérité, je vous le dis : le mauvais riche ne possède qu’une abondance stérile, une abondance qui est sa mort.

Quant à la métaphysique (si l’on peut donner ici ce nom à des conceptions toutes spontanées où la réflexion n’a presque point de part), quant à cette tentative audacieuse que fait l’esprit humain pour s’élever à la compréhension du principe et de la fin des êtres, elle se manifeste dans les Védas avec une véritable grandeur :

Autrefois (dit un hymne, attribué au rishi Pradjapati et intitulé l’Âme suprême) rien n’existait : ni l’être, ni le néant, ni monde, ni ciel, ni éther. Où était donc l’enveloppe de toutes choses, le réceptacle de l’eau, l’emplacement de l’air ? Alors point de mort ni d’immortalité, point de jour ni de nuit. L’Être seul respirait sans rien inspirer, absorbé dans sa propre pensée ; il n’y avait rien en dehors de lui. Les ténèbres étaient enveloppées d’autres ténèbres ; l’eau n’avait nul éclat : tout était confondu en lui. L’Être reposait dans le vide qui le portait ; enfin, par la force de sa volonté, l’univers fut produit. En son esprit un désir se forma, première semence de tout. Ainsi l’ont proclamé les sages, méditant avec leur cœur et leur intelligence : leur regard a pénétré en haut, en bas, partout, parce qu’ils avaient en eux des germes féconds, de