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Maroutas ou nuages et de Vayou, le vent frais et bienfaisant, on célébrait Roudra, symbole fidèle de ces terribles ouragans trop communs sur la terre d’Asie. Semblable à un loup, à un sanglier, à un monstre furieux et farouche, armé de flèches mortelles, il renversait, il ravageait tout ; il n’épargnait ni l’âge ni le sexe. Quelques critiques ont vu en lui le prototype de ce Siva qui, dans la suite, devint une des trois personnes de la trimourti hindoue et dont le culte, sous le nom de Sivaïsme, prédomina même dans certaines parties de l’Inde méridionale et dans l’île de Ceylan. Un autre membre de cette triade future, Wishnou, le héros préféré de la secte des Wishnouïtes, est déjà mentionné dans le Rig ; il y est pris pour l’espace céleste, et ses trois pas, comparables à ceux du Neptune homérique, n’étaient que les trois divisions du jour : à son lever, à son midi, à son coucher. Mais ce Wishnou, qui, grâce aux légendes brâhmaniques, devait être par excellence le dieu actif et conservateur, l’intercesseur entre le tout-puissant Brâhma et l’homme périssable; celui qui, descendant du ciel pour sauver le monde, s’est incarné tant de fois et, dans ses divers avâtaras, a donné tous les exemples possibles de bonté et de grandeur ; ce dieu sublime et bienfaisant n’est encore que faiblement esquissé dans le Rig-Véda, et n’y offre que l’emblème de l’air pur et lumineux qui éclaire l’univers, charme nos regards et entretient en nous la vie.

Bien d’autres dieux figurent dans le panthéon védique ; toutefois rien n’est plus aisé que de ramener l’une à l’autre ces personnifications idéales. Elles ont toutes, au fond, à peu près la même histoire, les mêmes attributs, la même puissance ; seulement là où, nous autres modernes, nous sommes principalement frappés de l’unité de la puissance créatrice, ces générations primitives étaient surtout éblouies par la variété de la création, et elles la représentaient, l’admiraient, l’adoraient sous mille aspects différents. Ces innombrables fictions de la théogonie indienne servaient de point de départ et de support à une morale relativement pure, à une méta-