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semble dévorer l’espace ; il est aussi léger que les nuages, aussi prompt que les chars, aussi rapide que les vents… Quand il livre des combats aux mauvais génies, il se plonge dans la mêlée et disparaît sous les nues… Le voyant ainsi au milieu des batailles, les ennemis poussent des cris, ainsi qu’on le fait à la vue d’un brigand qui dépouille le voyageur ou d’un épervier affamé qui s’abat sur un cadavre ou sur un troupeau… Pressé d’attaquer l’armée de ses adversaires, il s’avance le premier en tête des chariots de guerre. Orné de guirlandes, protecteur des peuples, il resplendit de gloire ; il fait voler la poussière sous ses pas ; il court en mordant son frein… Ce coursier fort et juste, au corps souple, à l’abord terrible, au pas rapide, est enveloppé d’un tourbillon poudreux qui cache son front superbe. Les assaillants les plus redoutables tremblent à son approche, comme si le ciel tonnait ; il se jette sur mille guerriers à la fois : il est invincible, formidable, magnanime !

L’aurore n’a pas été chantée par les poètes védiques sur un ton moins élevé que le soleil, ni peinte avec de moins riches couleurs. Ce réveil de la nature, qui parait rendre le souffle et la vie à toutes choses, les a dignement inspirés, et d’autant mieux qu’il leur rappelait des rites pieux et graves. En effet, le feu du sacrifice devait être allumé trois fois par jour : le matin, à midi et le soir, et la cérémonie du matin était considérée comme la plus utile. Quelle expression de ferveur, de reconnaissance et d’admiration, unie à un sentiment de vague mélancolie, se révèle dans ce bel hymne de Coutsa :

Éclatante interprète des saintes paroles, l’aurore étale toutes ses parures pour nous ouvrir les portes du jour ; en illuminant l’univers, elle nous en montre tous les trésors ; elle a réveillé tous les êtres. De sa puissante main, elle invite à se mouvoir le monde endormi ; elle pousse l’homme à goûter la joie, à accomplir les rites sacrés, à travailler à sa fortune. Les ténèbres nous empêchaient de voir ; elle nous permet de regarder au loin… Cette fille du ciel se révèle à nous, favorable, resplendissante, couverte de son manteau de lumière, maîtresse de toutes les richesses que renferme la terre… Elle ranime par sa clarté tout ce qui existe ; elle ressuscite tout ce qui est mort… Depuis quand nous vient--