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celui qui a produit le soleil et l’aurore, celui qui dirige les eaux, ce dieu-là, peuples, c’est Indra ! Le dieu par qui les peuples obtiennent la victoire, que les guerriers, eu combattant, appellent à leur secours, qui a été le modèle de l’univers, qui anime les êtres inanimés, ce dieu-là, peuples, c’est Indra ! Le dieu qui n’emploie sa puissance qu’à frapper sans cesse le méchant et l’impie, qui ne pardonne jamais à l’insolence dédaigneuse, qui immole les monstres, ce dieu-là, peuples, c’est Indra ! Le dieu devant qui s’inclinent avec vénération le ciel et la terre, devant qui frémissent les montagnes, qui arme de la foudre sa main terrible, ce dieu-là, peuples, c’est Indra ! Le dieu qui accueille les libations, les offrandes, les hymnes, les prières, celui qui protège les mortels pieux, celui que réjouissent nos sacrifices et nos présents, ce dieu-là, peuples, c’est Indra !

C’est là un véritable cantique, qui ne serait pas déplacé, on le voit, parmi les Psaumes hébreux, et que les hymnes de Cléanthe, de Proclus, de Synésius, de Grégoire de Nazianze n’ont pas surpassé. Pas de métaphores confuses, d’hyperboles ambitieuses, d’allusions obscures : le trait est net, la couleur vive et forte. Encore, pour être juste, faut-il ajouter que la grandeur des sentiments et la beauté des images sont, dans ces divers morceaux, rehaussées par l’excellence de la versification, égale aux meilleures combinaisons rhythmiques et mélodiques des Hellènes et des Romains. À côté de ces hautes aspirations, on trouve des effusions d’une simplicité touchante, comme cette humble prière adressée à Varouna qui personnifie tantôt l’Océan, tantôt le soleil caché la nuit sous les eaux :

Ô royal Varouna, ne me laisse pas aller dans le tombeau, cette maison de terre ! Je marche en tremblant, ainsi qu’une outre gonflée de vent. Pur et magnifique Varouna, la pauvreté et le besoin me contraignent à l’inaction ; la soif a surpris ton poète même au milieu des ondes. Ô Varouna, quand nous autres, faibles enfants de Manou, nous nous rendons coupables envers la race divine ; quand, par imprudence, ô grand dieu ! nous abandonnons ton œuvre, ne nous punis pas de cette faute !