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trésor de leurs poésies religieuses et de leurs légendes nationales ? Maintenant que l’écriture a reçu en dépôt tous les produits de l’intelligence et que nos sciences sont consignées dans les bibliothèques sous la forme commode de dictionnaires, nous avons peine à comprendre de quelles merveilleuses ressources était originairement douée la mémoire de l’homme. Mais les missionnaires nous certifient que les Guaranis, une des peuplades pourtant les plus grossières de l’Amérique, sont capables de reproduire mot à mot le sermon qu’ils viennent d’entendre. Ce que nous savons de l’éducation des brâhmanes et de leur noviciat rend d’ailleurs beaucoup plus compréhensible pour nous ce tour de force mnémonique.

Ceux qui projetaient de se marier et de rentrer jusqu’à un certain point dans la vie séculière devaient étudier douze ans de suite ; ceux qui comptaient rester célibataires et isolés passaient leur vie dans l’étude. Chaque jour, le gourou ou précepteur lisait à haute voix quelques articles des Védas et indiquait le débit, l’accentuation, le sens, les difficultés grammaticales ou théologiques ; il les faisait répéter littéralement à tous ses élèves, avec les diverses explications qu’il en avait données. Un pareil enseignement, si lent et si ponctuel, équivalait presque à la transcription et la rendait inutile. Même au temps de l’invasion macédonienne, d’après Néarque et Mégasthènes, les lois des Indiens n’étaient pas gardées par écrit, mais seulement retenues de mémoire. L’écriture est indiquée dans le texte actuel, certainement retouché, des Codes de Manou et d’Yâdjnyavalkya, à plus forte raison dans les apologues de l’Hitopadésa ou les drames de Kâlidâsa ; elle ne l’est pas encore chez le grammairien Pânini. La première notion que nous en ayons se trouve dans le Lalita-Vistara, biographie sanscrite du Bouddha Çakya-Mouni, de même que les plus vieilles inscriptions que l’on connaisse aux bords du Gange sont celles que grava sur le roc le roi bouddhiste Asoka. Les mantras donc, et peut-être aussi les brâhmanas ont été composés sans le secours de l’écriture.