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créateur, directeur et sauveur des mondes. La foi qu’ils inspirent est douce et sincère : on témoigne une docilité d’enfant à ces frères divins de la race humaine ; on leur demande humblement pardon des péchés commis. Cette dévotion ingénue est bien plus près des conceptions simples et pures du Christianisme primitif qu’elles ne le sont des fictions brillantes, mais subtiles, de la théogonie grecque.

On n’y trouve rien qui sente les formules de la liturgie, l’aridité du dogme ou les aberrations des systèmes mythologiques : ce sont de libres effusions du cœur, de sereines contemplations de la nature, des élans instinctifs vers l’idéal. La pensée du néant et de la création, de la puissance suprême, de l’unité de la substance universelle s’y dégage parfois avec une netteté que les philosophes les plus érudits et les plus habiles de la Grèce ou de l’Allemagne n’ont pas toujours dépassée. Il semble, au premier abord, que la philosophie ne doive être qu’un de ces fruits d’arrière-saison qui croissent au déclin des sociétés et qui, pour mûrir, supposent une longue culture. Mais l’imagination orientale s’est tracé des voies qui lui sont propres : n’ayant pas de grands besoins, désintéressés des faits, peu sensibles à la vie pratique, les Indiens, dès le début, étaient portés instinctivement à poursuivre les abstractions les plus hautes, à se poser les questions les plus profondes. En voyant les saisons se succéder, les astres étinceler, le ciel briller sur leurs têtes, ces simples laboureurs, ces pâtres nomades se demandaient, aussi sérieusement qu’un Anaxagore ou un Leibnitz, ce qu’ils étaient, d’où ils étaient venus, quelle destinée les attendait. Il y a, n’en doutons point, une sagesse native, dont le germe a été déposé par Dieu au fond de toutes les âmes humaines, et qu’il n’est pas surprenant de retrouver dans tous les siècles et sous tous les climats.

En s’arrêtant aux calculs les plus modérés, la période dite des tchandas peut être placée de 1200 à 1000 ans avant l’ère chrétienne ; celle des mantras comprend également 200 ans,