Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

49ïi ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

et entr'ouverte de ces spectres remue leur langue avide de sang. Ils m'ont aperçu; le butin que je leur proposais est abandonné par eux aux loups rapaces, et maintenant ils fuient ! Race aussi àche qu'odieuse ! Tout est plongé dans de profondes ténèbres. Une rivière coule à mes pieds et borne le cimetière qui s'étend au ioin, jonché çà et là de monceaux d'ossements calcinés. Un torrent mugit en passant, déchaîne ses fureurs et ronge ses bords qu'il entraine. Au sein des bosquets voisins gémissent tristement les hiboux, et les chacals répondent à leurs clameurs par des glapis- sements sourds et prolongés.

Voilà certes un paysage poussé au noir, un tableau de diablerie à la Callot nettement caractérisé, un véritable pen- dant à la scène de Macbeth et des sorcières parmi les bruyères désertes de l'Ecosse ou à celle de Faust et des démons sur les sommets escarpés du Brocken. La littérature satanique d'il y a quarante ou cinquante ans, avec ses gnomes, ses goules et ses vampires, n'aurait rien pu imaginer de plus atroce ni de plus laid. On est déjà bien loin de la grâce pastorale de Sa- kuntalâ, ou de l'imbroglio romanesque du Chariot d'enfant. Aghoraghanta se prépare à immoler Mâlati, costumée en vic- time, vêtue d'une robe rouge et portant la couronne funèbre; Mâdhava se précipite, la sauve, la rend à ceux qui la cherchent et égorge le farouche prêtre. Un peu après, on nous annonce le cortège des fiançailles de Mâlati, promise au vieux Nandana. Des serviteurs, de leurs cannes au bout d'or et d'argent, écar- tent la foule ; le tambour bat ; les ombrelles sont levées ; les bannières s'agitent; les éléphants s'avancent d'un pas lourd, le cou orné d'un cercle de grelots, soutenant des palanquins où sont assises des femmes pompeusement parées : la monture de Mâlati a la peau peinte en vermillon et un collier de pierre- ries. Quant à celle-ci, elle est aussi triste qu'elle est belle : dès qu'elle est parvenue au temple, on lui apporte des présents de noces ; mais Càmandaki amène obligeamment vers elle l'ardent Mâdhava, et elle les fait fuir ensemble, pendant que Macaranda, déguisé en femme et enveloppé des voiles de la fiancée, est conduit au favori du roi. Celui-ci, on le pense,

�� �