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286 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

que les gardes frappent rudement, continue son pèlerinage suprême ; un instant il hésite, il faiblit : « C'est, dit-il, l'in- famie qui l'effraie, et non point le trépas. »

Il arrive au cimetière ; les bourreaux dressent le pal et apprêtent le glaive; il va succomber: mais l'innocent a assez souffert. Attirée par les clameurs de la foule, guidée par le mendiant, Vasantasénà, si heureusement sauvée, se jette au milieu du sinistre cortège, et les deux amants, l'un qui est sur le point de mourir, l'autre qu'on avait crue morte, se prodiguent mutuellement les tendres paroles, les baisers, les larmes. Le vil Samsthànaka se sauve à toutes jambes; les tchandalas, ne voyant plus en lui qu'un calomniateur, le pourchassent, et il n'ira pas loin. Car, pendant que la cour- tisane et le brahmane se livrent à un poétique duo d'amour, une révolution (ainsi que cela a lieu fréquemment chez Shakespeare, chez Calderon ou chez nos tragiques) vient de s'accomplir an fond des coulisses. Le voleur Sarvillaka a poignardé Pàlaka, et Aryaka le pasteur remplace le tyran sur le trône. Le nouveau monarque donne l'ordre, aux applau- dissements de la multitude, de délivrer Tchâroudatta et lui octroie un riche domaine, avec l'emploi de gouverneur de la ville d'Oudjayani ; tel le Alardochée de Racine, du pied de la potence, passe au faîte des honneurs. Le brahmane pardonne noblement à Samsthànaka, qu'on lui amène, les mains liées derrière le dos, et que Sarvillaka, moins généreux, voudrait appliquer au pal, scier en deux ou offrir en pâture aux chiens. Il retrouve son fils enpleurs, Mètréya et ses ser- viteurs attendris, sa femme qui allait monter sur un bûcher pour ne pas lui survivre. Il affranchit le cocher du prince; il désigne un des capitaines du guet comme chef de la police et le mendiant comme supérieur de tous les monastères de Bouddhistes de la province. Vasantasénà, félicitée officielle- ment par le roi-berger, honorée de tous, traitée en sœur par l'épouse de son bien-aimé, cesse de faire partie de la classe des courtisanes, et le vertueux Tchâroudatta, maintenant

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