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LE THEATRE INDIEN. TOI

Sans pousser celle observation jusqu'à la rigueur d'un sys- tème, on a remarqué que, chez plus d'un peuple, la poésie avait été successivement lyrique, épique et dramatique. Les chantres primitifs firent jaillir du fond de leur âme l'har- monieuse expression de leurs joies ou de leurs tristesses, de leur culte pour la divinité et pour la vertu. Puis le cantique ou l'ode se développa abondamment et, en faisant place peu à peu à l'épopée, prit un sens et un caractère moins abstraits et moins individuels, plus rapprochés de la forme du récit et plus accessibles à la foule. Enfin ce long monologue se dé- doubla et se partagea entre plusieurs interlocuteurs ; ceux-ci, revêtus d'un costume d'emprunt et montant aux yeux de tous sur de grossiers tréteaux, exposèrent, soit d'une façon grave, soit avec des allures plaisantes, selon les cas, les phases d'une narration, transformée en action et condensée en un petit nombre d'incidents choisis et frappants. En Grèce, la géné- ration de poètes-musiciens, que la tradition a personnifiés dans les types d'Orphée et de Linus, de Musée et d'Amphion, d'Eumolpe et d'Olen, n'a-t-elle pas précédé Homère et Hé- siode, qui devancèrent eux-mêmes, de quatre siècles environ, les Eschyle, les Sophocle et les Euripide? A Rome, n'a-t-on point supposé l'existence de chants héroïques, suivis par les rudes épopées d'Ennius et de Naevius, et par les essais tra- giques ou^comiques de Pacuvius, de Livius Andronicus et de Piaule? En Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en France, avec un peu de bonne volonté et quelques ana- chronismes, on arriverait à retrouver un ordre et une filia- tion semblables; l'on rencontrerait les romanceros et les lieder, les stances ou les ballades avant les romans versifiés, et ces derniers avant les mystères, les moralités ou les sotties, mo- destes germes de l'art théâtral en Europe.

Ce qu'il y a de certain, c'est que l'Inde nous offre cette succession. Les hymnes védiques, rédigés à des époques très-variées et par des écrivains fort inégaux sans doute en mérite, remontent, dit-on, pour certaines parties, à

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