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KALIDASA. 239

feuillage et, quoique inquiet du courroux de ses femmes, il s'aban- donnait à la joie en compagnie de leurs suivantes. Le matin, quand enivré par le bonheur, il prétextait pour les quitter un service à rendre à un ami, le retenant par sa chevelure, elles s'écriaient : « Traître, nous comprenons trop clairement les motifs de ton dé- part. » En présence de ses courtisans, il rivalisait avec les prin- cipaux histrions, habiles à représenter des pièces de théâtre. Quand, après une dispute nocturne, ses femmes s'étaient détour- nées de lui, il ne se hâtait point de les apaiser; mais il attendait qu'effrayées par le bruit d'un orage, elles revinssent chercher un refuge près de lui. Il passait les plus fraîches nuits dans des pa- villons secrets, abrités contre l'air trop vif et où des lanternes brillaient doucement comme autant d'yeux ouverts. Plongé au sein des voluptés, égaré par la passion, négligeant tout autre in- térêt, le roi perdait ainsi sa vie ; mais, malgré sa fatale ivresse, sa puissance était telle que les princes voisins ne pouvaient le surpasser. Une maladie, produite par l'abus des plaisirs, finit par le consumer. Bien qu'il comprit les tristes conséquences de sa conduite et malgré les avis des médecins, il n'y renonça point; car les sens ont bien de la peine à se détourner des objets dan- gereux qui les attirent. Usé par la langueur, dépouillant ses orne- ments, le visage pâle, ne marchant qu'avec le secours d'autrub parlant d'une voix basse et faible, il ressemblait à ceux qui se meurent d'amour et, pendant qu'il succombait à la maladie, sa famille était pareille au ciel où la lune décline, â un lac que l'été dessèche et où il ne reste plus que de la vase, à une lampe qui jette ses dernières lueurs.

Cependant les peuples sont dans l'attente et dans l'anxiété : Agnivarna aura-t-il un héritier? auront-ils un maître? Enfin il en naît un; le poète ne nous dit le nom ni de l'enfant ni de la mère : on voit qu'il regarde comme éteinte cette glo- rieuse dynastie solaire, qui avait compté tant de héros et d'hommes vertueux. 11 interrompt là brusquement ce poëme historique et légendaire, dont nous avons essayé, par cette rapide analyse, de faire comprendre la valeur, mais qui tire son principal agrément de la richesse du style et de la va- riété des détails. Le dernier de ces épisodes, la description des plaisirs et des vices d'Agnivarna, nous fait assister à la

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