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sens critique, de caresser ses préjugés contre le Christianisme. En 1770, un officier au service de la France lui rapporta de la côte de Coromandel un manuscrit précieux, datant, disait-on, d’au moins deux mille ans, intitulé : l’Ezour-Veidam, et traduit en français par un brâhmane, correspondant de la Compagnie des Indes ; c’était, à la fois, un commentaire et une réfutation des Védas. On y voyait : la superstition combattue ; la vraie religion, formulée en termes simples et précis ; l’unité et la grandeur de Dieu, l’histoire des origines de l’univers et de l’espèce humaine, retracées avec une netteté à laquelle la Bible ne pouvait rien ajouter.

Quelle lumière inattendue, jetée sur la fondation des religions ! Quelle confusion pour ceux qui plaçaient la vérité religieuse dans la révélation biblique et chrétienne ! Après avoir parlé de cet inappréciable document avec toute l’admiration, tout le respect qu’il méritait à ses yeux, Voltaire le déposa pieusement à la bibliothèque du Roi. L’année même de la mort du philosophe, en 1778, Sainte-Croix publia, à Yverdun, une autre copie de ce traité, faite à Pondichéry et un peu différente de la première ; il lui donna ce titre long et bizarre : l’Ezour-Vêdam, ou ancien Commentaire du Védam, contenant l’exposition des opinions religieuses et philosophiques des Indiens, traduit du sanscrétan. Par malheur, ni Voltaire ni Sainte-Croix n’avaient reconnu que, dans cette œuvre d’apparence si vénérable, tout était moderne : plan, idées et style, et en effet l’on s’aperçut bientôt que ce n’était que le produit d’une fraude pieuse, opérée soit par le père de Nobilibus, neveu du cardinal Bellarmin, soit par le père Beschi, soit par quelque autre de ces missionnaires italiens du XVIIe et du XVIIIe siècle, qui, plus d’une fois, pour capter la confiance des Indiens, avaient emprunté leurs opinions et leur langage. Si l’Ezour-Védam offrait de frappantes analogies avec les enseignements du Christ, c’est qu’il était dû à une plume chrétienne.

Cette découverte fit un peu de tort aux Védas, qu’on avait préconisés par avance comme le résumé de la sagesse pri-