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haute antiquité que par leur valeur intrinsèque ; et cependant avec quelle lenteur ces intéressants vestiges de la foi et de l’intelligence orientales n’ont-ils pas été explorés ! Que d’obstacles a rencontrés la transmission de ces débris d’un passé aussi obscur que vénérable !

C’est que l’introduction de la philologie sanscrite dans le monde savant ne saurait être comparée exactement, comme on a voulu le faire, à la réapparition des lettres grecques et latines aux XVe et XVIe siècles. D’abord, les chefs-d’œuvre de la Grèce et de Rome n’avaient pas complètement disparu sous les ruines du monde ancien ; leur souvenir du moins s’était conservé et, dès qu’ils sortirent de l’ombre des monastères ou qu’ils arrivèrent en Occident avec les fugitifs de Constantinople, ils trouvèrent, pour les recueillir et les interpréter, des écrivains, préparés à cette tâche par leurs études antérieures. Boccace, Pétrarque, le Pogge, avaient ouvert la voie aux Reuchlin, aux Érasme, aux Mélanchthon, à tous les grands érudits de la Renaissance. On avait à la fois des modèles et des guides : on n’était pas exposé à s’égarer dès le début et à marcher dans des directions fausses ou incertaines. Il en fut tout autrement, à la fin du siècle dernier, quand la littérature indienne se révéla, pour la première fois, à l’Europe : Halhed, Wilkins, William Jones eurent bien de la peine à rencontrer des brâhmanes qui consentissent à leur enseigner un idiome regardé comme sacré et, lorsqu’ils finirent par trouver des maîtres plus bienveillants, ces leçons parfois étaient plutôt faites pour les égarer que pour les conduire à leur but. Ils durent s’en rapporter au goût de ces maîtres, adopter leurs préjugés, suivre leurs choix et leurs préférences, et ils furent ainsi amenés à s’occuper tout d’abord des ouvrages qui offraient quelques beautés littéraires un peu saillantes ou de ceux qui jouissaient dans l’Inde d’une popularité plus ou moins méritée.

De plus, tout livre sanscrit était gratifié complaisamment d’une ancienneté qu’on ne songeait guère à vérifier : les Lois