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LE HAMAYANA. 157

grandes épopées sanscrites avait la priorité : après ce que nous avons dit du remaniement probable de l'une et de la re- fonte lente et graduelle de l'autre, il est évident que la question est à peu près insoluble ; comment fixer des dates pour deux œuvres si fréquemment retouchées? Des érudits distingués, entre autres M. Weber, l'habile professeur de Berlin, ont néan- moins risqué quelques hypothèses sur ce point fort incertain. Selon eux, par la langue, le Râmâyana se rapprocherait beau- coup delà partie du Mahâbharata, consacrée aux batailles ; elle ne s'en éloignerait que dans les passages plus élégants, qui portent des traces assez visibles d'une époque plus récente. En- tre les deux sujets, au contraire, la divergence est notable. Dans le Mahâbharata, l'élément humain prédomine et la plu- part des personnages qui y figurent' ont un caractère semi- historique, de sorte que les attributs divins qui leur sont assi- gnés n'ont qu'une valeur secondaire. En revanche, dès le début du Râmâyana, nous sommes en pleine fiction, et si l'his- toire en a fourni le sujet, à savoir : la propagation au sud de l'Inde (àCeylan) de la civilisation, apportée du nord par les Aryens, ce fond historique disparait sous une foule d'allégo- ries. Les acteurs du poëme n'ont pas des physionomies ordi- naires ni des allures vraisemblables; ils n'ont pas pu vivre: ce sont des personnifications de certaines situations ou de certains événements. Ainsi la belle Sità, née du sol de la terre, enlevée par le démon Ràvana et délivrée par son époux Ràma, figurait le sillon du champ, déjà adoré comme un dieu dans des hymnes du Rig-Véda, et symbolisait par suite l'introduction de l'agriculture; innovation bienfaisante, que des capitaines tels que Ràma devaient protéger contre les attaques des brigands indigènes. Ceux-ci, absolument sauvages et hos- tiles à tout progrès, nous sont représentés sous les traits de géants et de monstres ; d'autres tribus, à demi-barbares, mais qui s'étaient montrées plus favorables à la marche des con- quérants civilisateurs, furent figurées par des singes et des ours, à cause de leur intelligence et de leur laideur. Ces

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