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les œuvres les plus anciennes de l’Inde. Il voulait aussi un fils ; car le plus grand malheur pour un Indien était de mourir sans laisser un rejeton mâle : seulement, ne trouvant pas sur la terre une seule femme digne de lui, il en fabrique une, en prenant à chacune de celles qui existaient ce qu’elle avait de meilleur. Par une finesse assez subtile, il la fait naître chez un roi de Vidarbha, qui était également impatient d’avoir une postérité, et, dès qu’elle est suffisamment grande, il va lui demander en mariage l’œuvre de ses mains. Le roi hésitait ; mais la jeune fille, Lôpâmoudrâ, n’accepte pas d’autre époux que l’austère anachorète : elle quitte ses riches habits de princesse pour le costume d’écorces et la peau d’antilope des ermites ; elle suit Agastya dans un vallon de l’Himalaya et vit près de lui, heureuse et pure. Longtemps après leur union, il la presse de céder à ses désirs ; mais la capricieuse créature exige préalablement qu’il lui apporte des trésors. L’excellent mari se met aussitôt en route : il va trouver successivement trois princes, qui le reçoivent à merveille, ainsi que tout roi doit recevoir un prêtre, et il leur demande des richesses. Les trois monarques, remplis de bonne volonté, lui montrent l’état de leurs finances, leurs dépenses et leurs recettes et (comme les budgets de ce temps-là n’étaient pas plus en équilibre que les nôtres) l’impossibilité réelle de le satisfaire. Ils conviennent tous alors de se rendre chez Ilvala, qui était plus riche que personne : il les accueille sournoisement et compte bien se débarrasser d’eux ; il transforme son frère en bélier, le sert à table à Agastya et, dès que celui-ci l’a avalé, prononce la formule sacramentelle : « Vâtâpi, sors ! » Mais Vâtâpi ne sortit plus.

À trompeur trompeur et demi : Agastya prévenu avait pris ses précautions et avait broyé à belles dents les membres du faux bélier ; même dans les temps mythologiques, l’adresse vaut la force. Ilvala vaincu est obligé d’abandonner une partie de ses immenses richesses aux trois princes et surtout à Agastya, qui revient vers sa femme, charmée de son obéis-