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douleur et l’indignation, la jeune fille lui adresse un discours pathétique, dont nous citerons quelques lignes :

Grand roi, tu sais la vérité ; pourquoi dis-tu donc : « Je ne sais rien de tout cela ? » Pourquoi recourir à la ruse, à la façon d’un homme vulgaire ? Quiconque fait le mal dit : « Personne ne me voit ! » et cependant il est vu par l’œil de sa conscience… Cet enfant qui s’attache à toi, qui te sourit, qui fixe sur toi ses regards, oses-tu le renier ? Les fourmis elles-mêmes ramassent leurs œufs, loin de les briser ; et toi, qui es le dispensateur de la justice, tu hésiterais à protéger ton fils !… As-tu oublié le précepte des Védas que les Brahmanes prononcent à la naissance d’un fils ? « Ton corps est né de mon corps ; tu es issu de mon propre cœur ; tu es mon enfant bien-aimé ; puisses-tu vivre cent ans ! » Quelle faute ai-je commise au milieu de quelque existence antérieure, puisque je suis ainsi délaissée par ma famille et par toi, mon époux ? Dans mon abandon, je consens à regagner ma solitude : mais ce fils, cet autre toi-même, tu dois le reconnaître !

Voilà un langage vrai, naturel, touchant ; il est à noter dans des textes si antiques, et Euripide ou Virgile ne l’auraient pas désavoué. La reconnaissance a lieu enfin, non pas, ainsi que chez Kâlidâsa, grâce à l’incident, déjà traditionnel, d’un anneau perdu et retrouvé, mais par la volonté seule du monarque. Sensible à tant de vertu, il épouse Sakountala, dont le vaillant fils, Bharata, deviendra illustre par ses prouesses et sera précisément la tige d’où sortiront les Pândavas, les héros de cette épopée.


V


De peur de nous égarer en des longueurs infinies, nous glisserons plus rapidement sur le reste de cette incommensurable composition qui embrasse toutes les légendes et tous les souvenirs de la race aryenne. Le second chant (Sabhâ-Parva) est fertile en péripéties nouvelles : il s’ouvre sur les