« Laisse-moi m’avancer seule vers cette rive,
« Où comme un cygne blanc Dieu veut que l’on arrive. »
Elle se tait et pleure, et puis vient à pas lents
De l’aveugle lion laver les yeux sanglants,
Et, chaque jour sa main, devant la sépulture,
A l’animal plaintif apporte sa pâture,
En lui disant… « Hélas ! tu perdis la clarté,
« Pour demeurer fidèle et n’être pas dompté ;
« Et moi dans le regard dont tu fuyais la flamme,
« Je puise imprudemment les vertiges de l’âme.
« Tu n’as jamais veillé près de ton lionceau
« Avec autant d’amour qu’auprès de mon berceau,
« Quand j’étais tout enfant ; maintenant, comme un frère,
« Tu gardes nuit et jour la tombe de moi père ;
« Maintenant des liens de fer pèsent sur toi.
« Oh ! ne réveille pas le vieillard contre moi.
« Je viendrai te servir, et malgré sa faiblesse,
« Ma main allégera la chaîne qui te blesse ;
« Et je te nourrirai des fruits de mon jardin,
« Comme Eve nourrissait les lions dans Éden. »
Et le lion, gardant pour moi toute sa haine,
Léchait la douce main qui soulevait sa chaîne.
Autant et plus que lui veillait sur Sémida,
Instrument que David pour les deux accorda,
Trésor miraculeux resté dans sa famille,
Passant, tout constellé, du vieillard à sa fille,
Une harpe mystique, et dont les cordes d’or
Luttèrent autrefois contre l’esprit d’Endor.
A l’ombre des palmiers quand la vierge chrétienne