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En large continent changer l’Océanie.

Je passe d’île en île, et, fatal aux vaisseaux,
Labyrinthe de roc sur l’abîme des eaux,
L’Archipel Dangereux m’entretient des naufrages
Dont il sema longtemps cette mer sans orages.
Puis, durant tout un jour, j’excite la lenteur
De mon aile énervée aux feux de l’équateur.

Belle Amérique ! ô toi qui, pour un autre monde,
Un jour, comme Vénus, sortis des bras de l’onde,
Appelant sur ton sein, de forêts abrité,
Les peuples amoureux de ta fécondité,
Je viens à toi, salut !… On dit que sur tes plages
Le déluge amassa mille ans ses coquillages,
Ne pouvant détacher, en fuyant pas à pas,
Ses humides baisers de tes hauts catalpas.
Tandis que le vieux monde, au bruit croissant des armes,
Composait tristement son poème de larmes,
Tu t’épanouissais, brumeuse et vierge encor,
Aux feux de ton soleil dont tu faisais de l’or ;
Et tes fleuves roulaient dans leur onde si pure
Assez de diamants pour couvrir ta ceinture.
Salut, fille des mers ! toi qui, longtemps enfant,
N’avais pour souvenir que tes os d’éléphant.
Toi, terre où le passé ne prenait point racines.
Si l’on cherchait le nom de tes jeunes ruines,
L’histoire était muette, et l’on ne suivait pas
Sur ton sol limoneux l’empreinte de ses pas.
Biais Colomb t’apparut, tu comptas ses victimes,
Et ta nudité prit la robe de nos crimes ;
Et pour gémir alors sous tes bois chevelus,