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J’entendis de Bulbul les refrains éclatants,
Sans être dans mon cœur averti du printemps.
Traînant partout mon ombre et jugeant en Zoïle
De la création l’épopée inutile,
Je n’aperçus pas Dieu-dans ce miroir terni ;
C’est ’dans de désespoir que je vis l’infini.
Mon hymne déployant sa noire fantaisie,
Entre les voix du mal fut une voix choisie.
Et je mis dans mes vers jusqu’à toi parvenus,
L’essence des poisons dans mes pleurs contenus.
Tel que les voyageurs perdus dans le nuage,
Plaçant mon luth impie au centre d’un orage,
Je lançais vers le ciel mes lyriques brandons ;
J’inventais un sarcasme amer comme ses dons.
Et chacun des accords de ma verve admirée
Emportait un lambeau de ma vie ulcérée.
Mes accents préludaient à leur éternité ;
Le génie eut en moi son Satan révolté.
Pour payer les mortels de leur stupide hommage,
Je voulus leur refaire une âme à mon image.
Mais mon règne fut court dans les respects d’autrui :
J’avais à dire au monde un mot trop fort pour lui. —

Il dit : et tout à coup, pour un autre supplice,
On le vit ressaisir sa lyre, sa complice.
Son laurier de douleur se tordit sur son front.
Comme un fer que rougit l’antre du forgeron,
Un feu vif pénétra la lyre encor muette ;
Son airain s’alluma dans les bras du poète.
Et lui, sous les tourments qui sillonnaient son corps,
Moloch de la pensée et des sombres accords,
Il tortura la corde au blasphème aguerrie ;