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À ce moment, M. Rigot s’écria encore :

— Eh bien ! monsieur le comte, acceptez-vous ?

Le comte hésita, et le notaire lui dit tout bas :

— Madame Peyrol est jeune, mais la grand’mère est vieille, et, en l’amadouant un peu, vous aurez avant deux ans le million qui lui revient.

— C’est vrai, dit Ernestine.

— Eh bien ? eh bien ? fit M. Rigot.

— J’accepte, dit le comte.

— Faut-il des chevaux de poste à ces messieurs de Paris ? fit Petit-Pierre.

— Que le diable t’emporte ! s’écria le clerc.

— Cela ne lui manquera pas, repartit le notaire.

— Que le diable vous emporte tous et moi aussi ! reprit le commis furieux.

— C’est son devoir, dit encore le notaire, et il le remplira.

Puis il continua :

— Tout n’est pas fini, nous avons encore à connaître le choix de madame Turniquel.

— C’est vrai, dit Petit-Pierre en s’avançant d’un air galant.

— Je n’en suis pas, moi, d’abord, s’écria le commis.

— Ni moi, repartit le clerc.

— En ce cas, répliqua le notaire, il n’y a plus que Petit-Pierre et le baron de Luizzi.

— Moi ? s’écria Luizzi.

— Il est bon de remarquer, dit le tabellion d’une voix si aigre qu’elle se fit entendre par-dessus le murmure de tout le monde, que le contrat de madame Turniquel est tout à fait à l’avantage du futur ; car, au lieu d’avoir un million constitué en dot, elle reconnaît que le futur apporte un million, ce qui fait que ledit futur est le véritable propriétaire de la fortune et en peut disposer de son plein gré.

— C’est bien différent ! s’écria le commis.

— Cela change la thèse, reprit le clerc.

— Du tout, du tout, dit la vieille ; vous avez fait les dégoûtés, merci de vous, messieurs les mirliflors !

— C’est juste, fit Petit-Pierre ; des muscadins, c’est pas ça votre affaire, la belle Jeanne.

— Peut-être que si, fit madame Turniquel ; et, puisque ma petite-fille qu’est si fière est comtesse, je ne serai pas fâchée d’être baronne.

— C’est comme ça ? dit Petit-Pierre ; adieu, Jeanne, vous méprisez vos vieux amis, vous vous en repentirez.

Il fit mine de sortir, puis il revint tout à coup.

— À propos, dit-il, monsieur le baron à quatre chevaux, je m’en allais sans vous remettre une lettre que m’a donnée ce grand sec noir, je l’avais oubliée dans ma poche.

Petit-Pierre jeta la lettre sur la table, et Luizzi la prit pour la lire, pendant que chacun allait et venait dans le salon, l’avoué calmant Eugénie, et M. de Lémée se querellant avec Ernestine parce que l’héritage de la grand’mère leur échappait. La lettre était ainsi conçue :

« Monsieur, un jugement de prise de corps exécutoire sur l’heure