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hommes les plus considérables du pays. Enfin, le scrutin fut fermé, on le dépouilla sans que personne quittât sa place, tant chacun était curieux de connaître le vainqueur, et au bout de quelques heures on proclama comme député de l’arrondissement le baron de Carin, qui ne l’avait emporté que de quelques voix sur M. Félix Ridaire, son honorable concurrent.

— Infamie ! murmura Luizzi.

Et comme si ce mot eût été le signal que donne le machiniste de l’Opéra, la scène changea. Et il vit une prison où était accroupie une femme tenant dans ses bras une enfant prête à mourir, et il reconnut Henriette Buré ; tandis qu’une autre femme, collée aux barreaux de cette loge infâme, accablait d’injures la malheureuse Henriette. Et Luizzi reconnut madame de Carin.

— Horreur ! s’écria-t-il.

Et comme la première fois, la scène changea encore. C’était une église magnifiquement parée. Deux chapelles y étaient tendues de blanc, et l’une d’elles étincelait de bougies, de tentures, d’ornements magnifiques, tandis que l’autre était écussonnée aux armes de marquis. Presque en même temps, deux cortéges pénétrèrent dans l’église. Celui qui se dirigea vers la riche chapelle était celui de Fernand et de mademoiselle Mathieu Durand. Celui qui se dirigea vers la chapelle blasonnée était celui de M. le marquis de Bridely et de mademoiselle Juliette Bricoin, qui portait sur sa robe de vierge le deuil de son grand-père, dont sa mère venait de recueillir, l’immense héritage : le comte de Lozeraie servait de témoin à mademoiselle Mathieu Durand et Edgard du Bergh donnait la main à Juliette.

— C’est assez, c’est assez, dit Luizzi ; et, comme les autres fois, ces paroles firent changer la scène, et alors :

C’était, dans une chambre bourgeoise, un petit souper gourmand ; aux trois côtés de la table, Ganguernet, le vieux Rigot et Barnet soupant joyeusement et servis par la petite Lili, qui était rentrée chez le notaire.

— Honte et dégoût ! s’écria Luizzi.

Et tout aussitôt le théâtre changea encore une fois et représenta une immense galerie, où passait en courant une foule de gens :

Et d’abord M. Furnichon devenu agent de change ;

M. Marcoine, devenu notaire ;

M. Bador, maire de la ville de Caen ;

M. de Lemée, pair de France, nommé rapporteur du budget ;

Le marquis du Val, essayant un habit d’Humann chez une danseuse de l’Opéra ;

Petit-Pierre nommé conducteur de diligence ;