château de M. de Paradèze ; vous connaissiez aussi sans doute M. de Cerny, qui l’accompagnait ?
— C’est-à-dire, je le connaissais pour l’avoir vu à Paris une fois ou deux, parce qu’il avait des démêlés avec mon beau-frère.
— Ah ! fit la comtesse, M. de Cerny connaissait votre beau-frère ?
— Je crois, répondit Henri, que c’était surtout madame de Cerny qu’il connaissait.
— Cela m’étonne, fit Léonie, qui ne supposait pas qu’un homme qu’elle pût connaître eût un beau-frère de cette espèce.
— Je puis vous assurer que si, repartit Donezau ; elle le connaissait si bien qu’elle s’est enfuie avec lui. »
Madame de Cerny parvint à contenir sa surprise, grâce au parti qu’elle avait pris de ne rien laisser voir à cet homme de l’intérêt qu’elle avait de l’interroger.
« — Ah ! fit Léonie, madame de Cerny s’est enfuie avec votre beau-frère ?
— Eh oui, dit Henri, avec le baron de Luizzi : toute la France sait cela.
— Oui, oui, c’est vrai, celui qui a tué M. de Cerny. »
À ce mot, Henri pâlit et répondit en balbutiant :
« — Qu’il l’ait tué ou non, ce n’est pas là la question : c’est ce que les jurés décideront. »
Le trouble de ton beau-frère étonna Léonie, et elle lui dit en le regardant fixement :
« — Il ne peut y avoir que l’amant qui a enlevé la femme qui ait tué le mari.
— C’est possible, repartit Henri, quoique je ne comprenne guère qu’on tue l’amant de sa femme. Qu’on tue l’amant de sa maîtresse, à la bonne heure, » ajouta-t-il avec rage.
— La manière dont Henri prononça ces derniers mots fit pâlir à son tour madame de Cerny ; mais elle craignit de montrer le soupçon dont elle venait d’être frappée et répondit tranquillement à Donezau :
« — Et c’est sans doute pour aller retrouver votre beau-frère à Toulouse que vous êtes venu dans ce pays ?
— Moi, dit-il, ce n’est pas mon affaire, c’est la sienne ; qu’il s’en tire comme il le pourra ! J’y étais venu pour autre chose.
— Et vous avez sans doute réussi dans votre voyage ?
— À moitié. C’est que je sais me venger, voyez-vous, quand on me fait un affront ; je l’ai déjà appris à l’un et je l’apprendrai bientôt à l’autre : à cette gueuse qui vient de me chasser du château de son grand-père !… »
— Quoi ! s’écria Luizzi, il a dit cela à Léonie ? et Léonie n’est pas venue pour dire le véritable nom du coupable ? car c’était lui, n’est-ce pas ?
— Le temps passe, mon maître, et, si tu m’interromps, nous n’arriverons pas au bout de notre récit.
Et Satan reprit :