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était mort, et que ç’avait été dans l’intention d’adopter la fille de son mari qu’elle avait fait semblant de la rechercher, mais que la différence d’âge qu’auraient eu les enfants ne lui avait pas heureusement permis d’accomplir cet acte illégal.

— Et ils ont obtenu une pareille déclaration ? s’écria le baron.

— Oui, maître ; et, comme une pareille déclaration pouvait être rétractée par la vieille femme rendue à la raison, on a le mieux du monde empêché la raison de revenir. À la privation de tout on a fait succéder l’abondance de tout ; et la mort, que n’avaient pas amenée la faim et la misère, l’abus et l’excès l’ont amenée.

— Madame de Cauny est morte ? s’écria le baron.

— Morte, dit le Diable, quelques jours avant le départ de Juliette pour venir déposer contre toi : car tu comprends que sa déposition n’a pas peu contribué à te perdre en montrant que cette déposition sur laquelle tu comptais tant ne pouvait être qu’un faux témoignage.

— Mais comment Eugénie est-elle arrivée si tard chez madame de Cauny, qu’elle n’ait pu prévenir cet épouvantable malheur ?

— C’est que, grâce à tes bons soins, elle avait pour surveillant M. le marquis Gustave de Bridely, qui, en attendant le succès de la ruse de Juliette, eut grand soin de la faire voyager de province en province, de façon à ce qu’elle ne retrouvât jamais sa mère, madame de Paradèze. Ce ne fut que lorsque, fatiguée de cette poursuite inutile, elle revint près de son oncle Rigot, après avoir épuisé le peu de ressources qui lui restaient, qu’elle retrouva la lettre que tu lui as écrite à ton arrivée ici, ce qui la détermina à une dernière tentative. Elle partit aussi à pied, comme ta sœur Caroline ; car elle avait été cruellement avertie plus d’une fois qu’elle n’avait pas de secours à attendre de la comtesse de Lémée, sa fille, et elle ne voulut pas lui apprendre qu’elle allait lui chercher une nouvelle fortune, de peur d’avoir à souffrir des chagrins encore plus odieux que ceux que son ingratitude lui avait déjà fait supporter. Elle partit, elle parcourut courageusement sa route, et elle arriva à la porte de ce château pour apprendre que sa mère était morte, et pour se voir menacée de la prison lorsqu’elle se rendit chez le juge de paix auquel elle déclarerait en quelle qualité elle se présentait. Car on avait eu soin de remettre entre ses mains la déclaration de madame de Cauny, et elle lui fut opposée à la première parole qu’elle voulut prononcer pour justifier sa prétention. Ce fut alors qu’accablée de lassitude et de misère, elle alla dans cette auberge, où elle trouva madame de Cerny alitée.

Comme Satan achevait cette phrase, huit heures sonnèrent, et Luizzi, averti que le temps qui lui restait s’en allait rapidement, fut sur le point de terminer en ce moment son entretien avec le