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empêcher de vous faire du tort.

— Et comment peux-tu faire cela ? dit le vieillard en se rapprochant de Juliette.

— Et comment me payerez-vous ce service, si je vous le rends ? »

Le vieillard baissa la tête et repartit d’un air empressé et mystérieux :

« — Tiens, j’ai là dans un coin un bien beau bijou que ma femme portait quand elle était jeune, je te le donnerai. »

Juliette voulut expérimenter jusqu’au bout la fourbe et l’avarice de Bricoin, et demanda à voir ce bijou. Le vieillard alla dans un coin de la chambre, souleva un lambeau de tapisserie et en tira une chaîne qu’il remit à Juliette. Elle reconnut facilement qu’elle était en cuivre doré. Juliette la jeta loin d’elle et s’avança vers la porte en disant :

« — Je m’en vais avertir madame de Paradèze que sa fille existe encore. »

Le vieillard retrouva assez de force pour se placer entre Juliette et la porte.

« — Tu ne sortiras pas, tu ne sortiras pas ! » lui dit-il.

Mais Juliette l’ayant écarté avec violence, il reprit d’un ton bas et suppliant, et en s’efforçant de sourire :

« — Je m’étais trompé, vois-tu, Jeannette, j’avais mis là cette chaîne pour attraper les voleurs, s’il en était venu par hasard ; mais j’en ai en véritable or, et des diamants aussi ! Eh bien ! je te les… je te les ferai voir !

— Ah çà ! fit Juliette, nous ne nous comprenons plus du tout. Écoutez-moi bien : si la fille de votre femme se fait reconnaître, non-seulement elle héritera de tous les biens de sa mère, mais elle vous laissera dans la misère. »

Le vieillard l’interrompit en lui disant d’un air abattu :

« — Et ce sera là la récompense de trente ans de bonheur que j’ai donnés à ma femme ! »

Juliette ne s’arrêta pas à l’exclamation de M. de Paradèze, elle continua ainsi :

« — Non-seulement cette fille vous laissera dans la misère si vous survivez à votre femme, mais encore elle vous dénoncera à la justice comme l’ayant fait disparaître jadis ; et tout ce qui peut vous arriver de moins malheureux, c’est d’être interdit et de vous voir enlever l’administration des biens de votre femme, de son vivant même.

— Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! reprit le vieillard, à qui l’idée d’être dépouillé rendait toute sa fureur. »

Juliette ne tint compte encore de l’interruption, et voulant aller droit au but, elle lui dit :

« — Il y a un moyen cependant de prévenir tout cela : c’est de