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par qui tu veux que je commence. Seulement écoute l’heure qui sonne : je veux absolument trente jours sur les trente et un qui te restent à vivre, et le temps que durera le récit que je vais te faire, je le retrancherai sur les vingt-quatre heures que je te laisse. Tu es libre de m’écouter avant ou après : je ne commencerai mon récit qu’à cette condition, et ce récit tu pourras l’interrompre quand il te plaira.

Luizzi n’hésita pas. Le choix qu’il voulait faire était arrêté depuis sa sortie de l’audience de la cour d’assises, et peu lui importait, une fois délivré de la condamnation qui pesait sur lui, d’avoir un mois ou une heure pour se prononcer. Il dit donc à Satan :

— Tu peux commencer ; je t’écoute.

Alors Satan prit la parole. LX

UNE HONNÊTE FEMME.

— Voici ce qui est arrivé à ta sœur Caroline, si c’est par celle-là que tu veux que je commence.

Luizzi fit un signe d’assentiment, et le Diable commença.

— Tu ne connais pas ta sœur, baron ; tu n’as jamais su voir en elle qu’une jeune fille sans expérience et exaltée, qui s’est maladroitement éprise d’un butor et qui a été la victime de son ignorance. Tu t’es trompé, mon maître : Caroline est une âme à part, faible devant la prière et la souffrance des autres, énergique contre le vice et le malheur. Tu vas voir si je la juge mal ! Comme je te l’ai dit, elle n’a point reçu la lettre que tu lui as adressée de Fontainebleau ; cette lettre fut remise à son mari, et, par son mari, communiquée à Juliette, et, par Juliette, à M. de Cerny. Tu sais aussi que Gustave de Bridely a reçu ta lettre, et cette lettre fut communiquée par lui à Juliette, la grande maîtresse dans l’art de tirer parti d’une mauvaise position. Bridely, M. de Cerny, Juliette, Henri Donezau, quittèrent Paris le soir même. Ce fut le résultat d’un conciliabule où ta sœur ne fut pas admise, et dont je te dirai le sujet quand j’arriverai aux personnes qu’il regarde plus particulièrement.

Le Diable s’arrêtait de temps en temps durant son récit, comme s’il eût voulu laisser place à Luizzi pour l’interrompre ; mais celui-ci savait trop qu’il n’avait plus une minute à perdre pour profiter de cette attention de Satan, qui fut donc forcé de continuer :