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religieuse de Toulouse : mais un jour d’ivresse il nous avoua que cette correspondance n’avait d’autre but que de cacher celle qu’il avait directement avec une novice du nom de Juliette. Ce fut dans ce même souper qu’un certain comédien, nommé Gustave, m’apprit que cette Juliette n’était autre que la fille de Mariette, laquelle Mariette se cachait à Auterive sous le nom de madame Gelis, tandis que Jeannette avait pris celui de Juliette. »

À cette révélation qui dépassait de si loin toutes les autres, à cet épouvantable secret qui jetait pour le baron un jour si effrayant sur ce qui s’était passé entre lui et cette femme, la lettre de Fernand tomba de ses mains ; il regarda autour de lui d’un air effaré, comme un homme qui se sent pris dans les réseaux inextricables d’une destinée plus forte. Tout le courage qu’il avait eu un moment pour avancer dans cette voie de sinistres révélations l’abandonna tout à coup, et il serait presque impossible de dire toutes les nouvelles terreurs qui entrèrent dans l’esprit de Luizzi. Juliette sa sœur, aux mains de laquelle il avait laissé Caroline ; Juliette la petite-fille de M. de Paradèze, mari de l’infortunée madame de Cauny à qui il avait enlevé sa fille ; Juliette, qu’il avait sans doute rencontrée à Bois-Mandé, et qui avait pu s’emparer de la lettre qu’il avait écrite à madame de Paradèze pour lui annoncer que sa fille n’était pas perdue ; Juliette, qui probablement avait intercepté la lettre qu’il avait écrite de Fontainebleau à madame Donezau, et qui, sans doute, apprenant ainsi le rendez-vous qu’il avait donné à Caroline, avait enseigné à M. de Cerny la route qu’ils avaient suivie avec Léonie et avait lancé le comte sur leurs traces ; Juliette, ancienne maîtresse de Gustave de Bridely, qui avait pu savoir de lui l’existence d’Eugénie Peyrol, et qui sans doute ne s’était rendue à Bois-Mandé que pour achever la perte de cette malheureuse femme : tous ces événements possibles, toute cette complication de circonstances inouïes étourdirent le baron et lui donnèrent un vertige pareil à celui que pouvait éprouver son aïeul Lionel lorsqu’il vit s’acharner à sa poursuite ces fantômes vivants qui le poursuivaient dans les ténèbres éclairées par l’incendie et l’orage ! Et ce délire fut sans doute le même, car il eut le même résultat, Armand, qui depuis un mois avait résisté à la tentation de la solitude, à la tentation du besoin d’apprendre le sort de tous ceux qu’il aimait, ne résista pas à l’effroyable confusion qu’il sentit dans sa tête, et il appela Satan. Satan parut.