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avec épouvante, il l’accueillit et s’y livra avec ardeur. Que le dénoûment qui devait s’approcher dût être fatal ou non, il se sentit pris du désir d’en finir avec ce mystère dont il était entouré et au milieu duquel il marchait en aveugle, trébuchant aux moindres événements de sa vie, s’égarant dans des routes qui semblaient si faciles à tout autre qu’à lui. Ce fut poussé par cette idée qu’il rentra dans sa chambre et se détermina à lire la lettre qui lui avait été écrite par le poëte et qu’il avait jetée de côté avec dédain. Nous la rapportons ici textuellement, mais nous déclarons n’en prendre nullement la responsabilité :

« Mon cher Monsieur,

« Au moment où je vous ai laissé seul sur la route de Sar… à Bois-Mandé avec M. de Cerny, je vous ai promis de vous raconter sinon mon histoire, du moins de vous rappeler notre première rencontre et de vous dire quelle en a été la suite. Souvenez-vous de Bois-Mandé ; souvenez-vous du lit du pape ; souvenez-vous de la jeune fille qui s’est donnée à un voyageur de la voiture où vous étiez ; souvenez-vous que ce voyageur a tué l’homme qui voulait le punir, et qu’il a enlevé la jeune fille qui s’était donnée à lui. Ce voyageur, c’était moi. »

— J’avais raison, murmura Luizzi en lui-même, oubliant dans sa préoccupation que le Diable l’avait déjà averti de cette circonstance ; l’heure est venue, ceci est encore une nouvelle lumière que le sort m’envoie ; et puisse le malheur qui s’attache à moi ne pas avoir fait que j’aie commis encore quelque grave imprudence ! Ma lettre à madame de Cauny, ne l’ai-je pas confiée au postillon qui devait conduire cette Jeannette, que la prédestination m’a fait retrouver peut-être à Bois-Mandé.

Sous l’impression de cette crainte, Luizzi continua la lettre de Fernand.

« Souvenez-vous aussi que je vous avais dit que cette femme semblait porter en elle quelque chose d’extraordinaire. »

Luizzi se rappela cette parole de Fernand, il se rappela aussi que le conducteur, en parlant de cette Jeannette, lui avait fait entendre que son histoire n’était pas celle d’une servante d’auberge, et qu’elle n’était pas faite pour la place où elle se trouvait. Ces circonstances, en revenant à la mémoire d’Armand, redoublèrent sa curiosité et le firent s’avancer plus résolument encore dans la voie de découvertes où il semblait être engagé, et il continua :

« Il n’est pas étonnant que cette jeune fille eût quelque chose