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parmi des coupables ! Il jeta autour de lui un regard désespéré : il était seul… seul ! il pleura. Il pleura d’être seul, il osa pleurer parce qu’il était seul. Faible et orgueilleux ! Puis, quand cette douleur fut calmée, il poursuivit la lettre, qui disait :

« Cependant, Armand, la petite mendiante m’a appris une chose qui m’alarme cruellement et qui ne m’étonne pas moins. M. de Cerny était arrivé en poste avec une femme, et le lendemain il est reparti en poste avec cette femme ; il a suivi la route de Toulouse. Est-ce pour vous poursuivre ? En ce cas il aurait pris un étrange compagnon de voyage. Ce fait m’a un peu rassurée. »

Ce passage de la lettre de madame de Cerny étonna seulement Luizzi : il se demanda s’il n’était pas possible que la lettre qu’il avait écrite à Caroline eût été interceptée par son mari ou par Juliette, et que ce fût celle-ci qui eût prévenu M. de Cerny et l’eût envoyé à la poursuite de sa femme. Madame de Cerny, en effet, ne parlait pas de la réponse de madame Peyrol qui eût pu être parvenue à Orléans, ni de Caroline qui eût dû y être arrivée. Un singulier soupçon même s’éleva en son esprit, c’est que ce pouvait être Juliette elle-même qui accompagnait le comte de Cerny ; mais, lorsqu’il y réfléchit, il trouva si peu de raison à cette supposition, qu’il l’abandonna aussitôt pour continuer la lecture de sa lettre.

« Hélas ! Armand, j’avais si peu de chose à apprendre de vous que je pus m’occuper, une heure après l’entrée de la mendiante, du sort de cette enfant ; elle m’avait dit qu’elle vous avait remis l’or que je vous avais envoyé. J’avais laissé passer cette assurance que je croyais un mensonge, mais je lui dis alors :

« — Écoutez, mon enfant, je vous suis trop reconnaissante de ce que vous avez fait pour ne pas vous pardonner une faute que votre misère rend jusqu’à un certain point excusable. Vous êtes entrée dans cette maison après avoir été arrêtée pour vol : si c’est à cause de l’or que je vous ai remis et que vous avez gardé, je vous promets d’affirmer devant les magistrats que je vous l’avais donné, et je vous ferai rendre ainsi votre liberté…

« Vous ne pouvez pas vous imaginer, Armand, la douleur, l’indignation et la surprise qui éclatèrent tout à coup sur le visage de cette enfant.

« — Oui, s’écria-t-elle avec des larmes, oui, j’ai volé, Madame, mais ce n’est pas votre or ; j’ai volé, parce que je n’ai pu entrer dans cette maison qu’en me faisant arrêter ; j’ai dit au monsieur que je le ferais, je le lui ai dit sur la grande route, il vous le répétera. Ce n’est pas pour moi que j’ai volé, c’est pour vous, Madame, c’est pour vous.

« Oh ! mon ami, que je me suis trouvée petite devant cette