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LVI

DÉNOÛMENTS.

LA MAISON DES FOUS.

« C’est après cinq jours de captivité que je puis parvenir à vous écrire, Armand, et c’est le cœur encore tout ému et tout brisé d’une scène effroyable, que je vais commencer le récit de ce qui m’est arrivé depuis notre malheur : malheur dont je n’ose plus me plaindre à côté de celui dont je viens d’être témoin et que je vous dirai aussi, car, dans la position où vous êtes, il vous sera peut-être possible de le secourir ! »

Cette phrase fut, pour ainsi dire, le premier coup qui ébranla la résolution de Luizzi ; cet appel à sa protection lui fit sentir une impuissance qu’il pouvait faire cesser, puisqu’il avait dans les mains un talisman assez extraordinaire pour échapper à sa position, du moins le croyait-il encore. Toutefois cette réflexion ne passa que comme une ombre légère dans son esprit et sembla ne pas y laisser de traces. Il continua sa lecture :

« Pour ne pas mêler ensemble et le récit de mes propres douleurs et celui des malheurs dont j’ai été témoin, je vais vous raconter jour à jour ce qui m’est arrivé depuis le moment où nous avons été séparés.

« Après votre fuite, je demeurai seule avec M. de Cerny. Il m’avoua, avec le cynisme d’un homme décidé à une action infâme, qu’il me ferait payer de mon honneur la découverte de ce secret qui nous a réunis, et dont vous avez été informé je ne sais encore comment. M. de Cerny a retrouvé dans le boudoir les lettres que nous avions écrites ; il les a ramassées, et, ces lettres se combinant avec notre départ de Paris, il y a trouvé matière à une accusation d’adultère qui doit le venger. Ce qu’il y a d’infâme dans la conduite de M. de Cerny, c’est que, lorsqu’il m’étalait ses hideux projets avec une froide lâcheté, ce n’était pas la vengeance de son honneur qu’il poursuivait, c’était celle de son ignoble secret, c’était celle du honteux état où l’a réduit la débauche. Au moment où il me parlait ainsi, il me croyait encore innocente, il supposait que