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veniez ici pour les élections.

— J’ai renoncé à la députation ; je pars, je vais en Italie.

— Ah çà ! voyons, dit le notaire, est-ce qu’il y a quelque mauvaise affaire sous jeu ?

— Non, rien qu’un caprice, je veux voir Rome ; mais, en attendant, voyons un peu nos comptes.

— À l’instant, monsieur le baron. Vous me donnerez ensuite, s’il vous plaît, les signatures que je vous ai fait demander pour finir votre affaire contre ce gueux de Rigot.

— Je vous donnerai toutes les signatures que vous voudrez ; mais voyons ce dont vous pouvez disposer pour moi.

Tous deux s’attablèrent devant une pile de dossiers et de registres, et firent pendant une heure des chiffres et des calculs. Luizzi n’était pas un homme d’affaires, mais ce n’était pas non plus un niais ; il savait voir clair dans les comptes qu’on lui présentait. Il les examina avec d’autant plus d’attention que la rencontre de Barnet et de Lili ne l’avait pas édifié sur le compte du notaire. Mais il fut forcé de reconnaître la scrupuleuse probité de celui-ci, et ne put s’empêcher de remarquer que cet homme dont la séduction avait poussé au vice une enfant qui peut-être sans cela ne fût pas devenue ce qu’elle était, se serait fait un scrupule de dérober un sou à son client. Luizzi n’avait ni le temps ni l’intention de s’arrêter sur de telles pensées ; aussi, la balance ayant été établie, il dit à Barnet :

— Ce sont donc trois cent quarante-deux mille francs actuellement disponibles que vous avez versés en dépôt chez le receveur général ?

— Précisément.

— Eh bien ! cet argent, il me le faut.

— Dans combien de temps ?

— Tout de suite.

— Trois cent quarante mille francs ?

— Oui.

— Mais il faut pouvoir les transporter.

— Pardieu ! donnez-moi des billets de banque.

— De quelle banque ?

— Vous avez raison, je m’imagine toujours être à Paris. Alors trouvez-moi d’ici à demain le plus d’or possible.

— Combien ? un millier d’écus ?

— Mais au moins cent mille francs.

— Il me faudra quinze jours pour ramasser à Toulouse cent mille francs d’or, s’ils y sont.

— Mais, voyons, que pouvez-vous me donner d’ici à demain ?

— Avec beaucoup d’efforts et en m’adressant aux négociants qui font le commerce des quadruples, je pourrai vous avoir, dans trois jours, de vingt-cinq à trente mille francs.

— Trente mille francs, soit, cela me suffira d’abord. Maintenant il me faudrait des lettres de crédit pour le reste sur l’étranger.

— Si vous alliez, en Espagne, ce serait facile, parce que nous avons beaucoup de maisons en relation avec l’Espagne, mais en Italie où vous voulez aller…

— Mon Dieu ! j’irai en Espagne, ça m’est égal.

— Ah ! dit Barnet tout étonné, ce n’est donc pas un voyage d’agrément que vous faites ?

— Je vais où je veux, ce me semble, dit le baron