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fils, et il n’est pas revenu encore ni l’autre voyageur.

— Je l’avais prévenu que celui-ci avait beaucoup d’avance, mais il a voulu absolument courir après la chaise de poste et charger le postillon de la commission.

— Ah ! c’est donc ça ? fit l’aubergiste ; le drôle aura rattrapé le postillon, qui lui aura permis de monter sur le troisième cheval, et il est capable d’avoir poussé jusqu’à Bois-Mandé. Peut-être bien aussi que les gens de la voiture de poste se seront chargés de conduire le monsieur au premier relais, car je crois qu’il n’y avait qu’une dame dans la berline.

— C’est probable, dit Luizzi, qui voulait se débarrasser de l’aubergiste.

— Pardon de vous avoir dérangé, dit celui-ci en se retirant.

Et Luizzi continua ses lettres. Il était à peu près minuit lorsqu’on se remit en route. Quatre heures après on était à Bois-Mandé. Luizzi quitta sa place pour chercher quelqu’un par qui il pût envoyer sa lettre à madame de Paradèze. Le premier postillon auquel il s’adressa lui dit :

— Je ferai votre commission, donnez-moi votre lettre ; je vais demain au matin conduire chez madame de Paradèze la chaise de poste qui est arrivée ce soir.

— Ah ! fit Luizzi avec étonnement ; et qui est-ce qui occupe cette chaise de poste ?

— Une dame toute seule, une drôle de dame, allez, que j’ai reconnue tout de suite malgré ses chapeaux et ses voiles, une dame qui a été autrefois servante dans cette auberge.

— Qui ça ? fit Luizzi étonné, Jeannette ?

— Tiens ! vous la connaissez ?

— Oui, je l’ai vue il y a quelques années en passant par ici. Mais qu’a-t-elle à faire chez madame de Paradèze ?

— Oh ! je ne sais pas, il y a là-dessous un tas d’histoires. C’est le vieux bonhomme qui l’avait placée dans la maison, ici.

Et comme Luizzi allait s’étonner de cette nouvelle rencontre, il entendit le conducteur dire à un voyageur :

— Ma foi, tant pis pour ce monsieur ! il se sera arrêté dans quelque maison de paysan en voyant que nous n’arrivions pas, et nous aurons passé sans qu’il s’en aperçût.

— Mais on ne peut laisser ainsi un honnête homme à moitié chemin, répondait l’officieux voyageur.

— Bon, bon ! il aime la promenade, fit le conducteur ; il se promènera en attendant une autre diligence. D’ailleurs peut-être a-t-il pris la voiture Laffitte et Caillard qui nous a dépassés pendant que je faisais raccommoder mon timon ; et, après tout, je suis de quatre heures en retard. Allons, hu ! postillon, à cheval et au galop !

Puis, s’adressant à un autre postillon, il lui dit :

— Voyons, toi qui conduisais la berline de poste, as-tu vu ce monsieur ?

— Eh non ! je vous l’ai dit : Charlot, qui était derrière