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apprendre l’événement heureux qui lui avait fait découvrir mademoiselle de Cauny dans la prétendue fille de Jérôme Turniquel ; mais le temps qui lui manquait pour s’arrêter lui manquait pour écrire, et il se décida à attendre son arrivée à Toulouse pour envoyer cette lettre.

Pendant qu’il réfléchissait ainsi et prenait ses mesures, il s’aperçut que le jour commençait à baisser et qu’il était très-éloigné de la voiture, qui n’arrivait pas. Il était près d’un taillis assez épais, et déjà plusieurs hommes d’assez mauvaise mine avaient passé, et repassé devant lui. Il ne craignait pas les voleurs, mais les agents de police. Ce qui l’alarma surtout, c’est qu’il lui sembla que la figure de l’un de ceux qui avaient passé le plus près de lui ne lui était pas inconnue. En conséquence, il retourna du côté de Sar… Bientôt il entendit le bruit d’une voiture qui roulait avec rapidité, et, s’imaginant que c’était la diligence qui arrivait, il s’avança jusqu’au milieu de la chaussée. C’était une chaise de poste, derrière laquelle était assis un petit garçon qui sauta à terre dès qu’il vit le baron et qui lui dit :

— Le conducteur m’a envoyé courir après vous et l’autre monsieur, pour vous dire que le timon de la diligence s’est cassé en sortant du village et qu’on ne pourra guère partir qu’au milieu de la nuit.

Ce contre-temps, qui retardait l’arrivée du baron à Toulouse, lui donnait quelques heures pour écrire à madame de Paradèze. Il reprit donc le chemin du village qu’il venait de quitter, tandis que l’enfant tournait à droite et à gauche en disant :

— Mais où est donc l’autre voyageur ?

— Ma foi ! lui répondit Luizzi, celui-là est au diable, et tu seras bien adroit si tu le rattrapes.

— C’est égal, je vais continuer à courir.

— Tu courras longtemps.

— Que non ! fit l’enfant ; je rattraperai la chaise de poste et je dirai au postillon de le prévenir. Je vais profiter de la montée où il est à présent et où ils ne vont pas vite.

Sans attendre de réponse, le petit bonhomme se mit à courir de toutes ses jambes, tandis que Luizzi regagnait paisiblement le village en faisant dans sa tête sa lettre à madame de Paradèze. Une fois arrivé à l’auberge où tous les voyageurs étaient descendus, il demanda une chambre et tout ce qu’il fallait pour écrire, puis il s’enferma. Au bout d’une heure à peu près, il entendit frapper à sa porte, et le maître de l’auberge parut le bonnet à la main.

— Pardon de vous déranger, Monsieur, lui dit-il, mais à quelle distance avez-vous rencontré le galopin qui a été vous dire de revenir ?

— À une grande demi-lieue à peu près, à côté d’un taillis assez sombre, et, je crois, très-mal habité.

— C’est que c’est mon