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vois.

— Et… comment le trouvez-vous ?

— Mais, dit Flora en se retournant vers Delphine, je ne l’ai pas regardé.

— J’ai entendu dire que c’est un jeune homme très-remarquable, très-distingué, d’un très-grand nom.

— Et fort beau, dit Flora, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit Delphine.

— Eh bien ! ma chère, on vous a fait sans doute la même leçon qu’à moi, et sans doute la même qu’à beaucoup d’autres. M. Arthur de Lozeraie a des amis qui l’annoncent de cette façon dans toutes les maisons où il y a une riche héritière à marier.

— Vous croyez ? s’écria Delphine vivement.

— C’est mon père qui m’en a prévenue.

— Et votre père le reçoit dans ce but ?

— Je ne le crois pas, reprit Flora dédaigneusement : une fortune assez dérangée, un grand nom dont l’origine n’est pas très-claire, ne conviennent ni au banquier Favieri ni au marquis de Favieri.

— Mais, malgré tout cela, il pourrait vous convenir à vous, peut-être ?

— À moi ? dit Flora ; un petit jeune homme qui n’est rien, qui tremble devant son père comme un enfant de douze ans, qui a l’air de baisser les yeux devant une femme, comme si toutes menaçaient de le dévorer d’amour !

— Je vous assure qu’il ose les regarder, reprit sèchement Delphine, quand il les trouve jolies.

— Vous avez raison, repartit mademoiselle de Favieri, car il vous contemple avec une muette extase.

— Vous vous trompez, c’est vous, sans doute.

— Vous allez vous convaincre que ce n’est pas moi ; car je vais vous demander la permission de vous quitter pour aller donner quelques ordres. »

Flora se leva et laissa Delphine.

À ce moment, Arthur s’approcha et demanda à mademoiselle Durand la faveur de danser avec elle. Delphine lui répondit sèchement et à voix basse :

« — Vous venez trop tard.

— Êtes-vous donc engagée pour toute la soirée ?

— Je veux dire que mademoiselle de Favieri n’est plus là.

— Vous savez bien que ce n’est pas pour elle que je suis venu.

— Nous n’avons pas besoin de causer si longtemps ensemble.

— Je me retire si vous craignez que cela soit remarqué.

— Oh ! ce n’est pas pour moi, dit Delphine. J’ai peur que votre papa ne vous gronde. »

Tout cela avait été rapidement échangé à voix basse, et ces quelques paroles suffisent à vous montrer que Delphine était un de ces enfants gâtés, mutins, volontaires, à qui toutes les impertinences ont été permises et qui se les permettent toutes. Ce dialogue prouvait aussi que ce n’était pas la première fois que mademoiselle Durand et Arthur se rencontraient et qu’il y avait entre eux un petit secret de jeunes gens. Toutefois Arthur n’eut pas plus tôt entendu le dernier mot de mademoiselle Durand, que, s’armant