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Luizzi eût été curieux de voir s’élever une discussion entre le Diable et le poëte, mais celui-ci se tut, et Satan continua. XLVIII

— Le soir venu, toutes les personnes dont je vous ai parlé dans ce récit se trouvaient au bal chez M. de Favieri, et parmi les plus jolies femmes qui remplissaient ses salons, on remarquait mademoiselle Delphine Durand, assise à côté de mademoiselle Flora de Favieri : celle-ci, grande, brune, sérieuse, et revêtant d’un abord glacé et hautain l’expression passionnée de son visage ; l’autre, petite, blonde, gracieuse, affectant un dédain qui n’arrivait qu’à l’impertinence ; l’une pouvant laisser croire qu’elle s’appuyait sur la force de volonté qu’elle portait en elle-même ; l’autre laissant deviner qu’elle ne devait son air impératif qu’à l’obéissance qu’elle avait toujours rencontrée autour d’elle ; Flora paraissant douée d’un caractère que lui avait fait la nature, Delphine d’un caractère que lui avait fait sa position. Du reste, et malgré la différence de leurs caractères, elles avaient entamé du même ton le même sujet de conversation. On s’était mutuellement récrié sur l’élégance de la toilette ; on avait discuté les marchandes de modes le plus en vogue, et l’on avait décidé que la reine des jolies coiffures était mademoiselle Alexandrine, de la rue de Richelieu. À cette occupation succéda naturellement celle qui est écrite dans le programme des entretiens de bal. Ces demoiselles s’amusèrent à tourner en ridicule la plupart des femmes qui étaient dans les salons, et à s’égayer au sujet des hommes qui venaient parader devant elles. Elles furent interrompues par M. de Favieri, qui s’approcha de sa fille et lui dit de ce ton italien, caressant et moqueur, qui fait si bien douter du sens des paroles qui sont prononcées :

« — Flora, je suis venu moi-même vous présenter monsieur Arthur de Lozeraie, dont je vous ai parlé. »

Mademoiselle de Favieri répondit au salut d’Arthur par une légère inclination de tête et un imperceptible sourire. De son côté, Arthur salua ensuite mademoiselle Delphine Durand d’un air de connaissance, mais de réserve en même temps. À peine s’était-il éloigné, que Delphine dit à Flora :

« — Vous recevez M. Arthur de Lozeraie ?

— Oui, répondit Flora d’un air de pitié moqueuse.

— Ah ! fit Delphine… et vous le connaissez depuis longtemps ?

— C’est la première fois que je le